Le bruit devenait de plus en plus insistant et c’est désormais un fait : Laurence des Cars, actuelle directrice du Musée de l’Orangerie, a été choisie pour diriger le Musée d’Orsay, à partir du 15 mars et pour un mandat d’au moins cinq ans. Sa nomination est intervenue après une rencontre avec le président de la République le 27 février, au cours de laquelle elle a exposé et défendu son projet pour le musée.

La décision met un terme à une longue procédure de désignation qui, dans sa phase finale, a opposé quatre candidats : Laurence des Cars, Dominique de Font-Réaulx, directrice du Musée Delacroix, ­Michel Draguet, directeur des ­Musées royaux de Belgique, et ­Sylvain Amic, directeur du Musée de Rouen, qui passait pour bénéficier du soutien de Laurent Fabius – solidarité normande.

Née en 1966, fille du journaliste et écrivain Jean des Cars et petite-fille du romancier Guy des Cars, Laurence des Cars suit l’enseignement en histoire de l’art de l’université Paris-IV et à l’Ecole du ­Louvre avant d’intégrer – parcours classique – l’Ecole nationale du patrimoine. A sa sortie, en 1994, elle est affectée pour son premier poste au Musée d’Orsay, déjà. Elle y demeure jusqu’en 2007, le temps de s’imposer comme une spécialiste de l’art du XIXe siècle et du début du XXe, champ d’études qui s’est par la suite étendu. Dans ces premières fonctions, elle est la commissaire de plusieurs expositions à Orsay : « L’Origine du monde, autour d’un chef-d’œuvre de Courbet » (1996), « Jean-Paul Laurens, peintre d’histoire » (1997-1998), « Courbet et la Commune » (2000), « Thomas Eakins, un réaliste américain » (2001-2002). Pour cette dernière, qui traite d’un des peintres les plus populaires des Etats-Unis, elle travaille avec le Metropolitan Museum de New York et celui de Philadelphie.

Succès public et critique

Ce n’est pas un détail, tant sa carrière est marquée par la collaboration avec les musées américains : c’est le cas pour son exposition « Edward Burne-Jones » (1998), pour « Edouard Vuillard » (2003-2004), pour « Gustave Courbet » (2007-2008). Et c’est dans la suite de ces relations qu’elle a pu réaliser, en 2016 au Musée de l’Orangerie, l’exposition consacrée à la peinture américaine des années 1930 autour de prêts aussi rares que celui d’« American Gothic », tableau légendaire de Grant Wood que l’on aurait cru voué à ne jamais quitter le sol américain.

Ce sens des relations culturelles internationales conduit Laurence des Cars à devenir, en 2007, directrice scientifique de France-Muséums, agence chargée de la conception et du développement des collections et des futurs programmes du Louvre Abou Dhabi, dont l’inauguration doit avoir lieu dans le courant de l’année 2017. De cette période de son activité, qui a duré jusqu’en 2014, elle a tiré la matière d’une exposition, « Louvre Abou Dhabi, Naissance d’un musée », qui a eu lieu dans l’émirat et au Louvre en 2013-2014. Elle est ensuite revenue à l’histoire de l’art, mais sous l’angle de la littérature. En 2014, en duo avec l’écrivain et poète surréaliste Annie Le Brun, elle organise l’une des expositions les plus retentissantes et audacieuses que l’on ait pu voir à Orsay, « Attaquer le soleil. Hommage au marquis de Sade ». Deux ans plus tard, elle poursuit, à l’Orangerie cette fois, avec « Apollinaire, le regard du poète ». Le succès public et critique obtenu par ces manifestations et le triomphe de « La peinture américaine des années 1930 » n’ont pas été pour rien dans sa nomination à Orsay : ces expositions, très solides du point de vue scientifique, ont attiré bien ­au-delà du monde habituel des amateurs et des connaisseurs.

Lire la critique de l’exposition : Apollinaire, canonnier des avant-gardes

A Orsay, il lui revient désormais de ramener plus de sérénité après des années marquées par la gestion très personnelle – et parfois contestée à l’intérieur même de l’établissement – de son prédécesseur, Guy Cogeval, nommé à la tête d’un nouveau Centre d’études des nabis et du symbolisme qui semble avoir été créé pour lui.

Au-delà des compétences et de l’expérience de Laurence des Cars, un dernier point est à signaler : elle n’est que la deuxième conservatrice nommée à la tête d’un des grands établissements muséaux parisiens, après Sophie Makariou au Musée Guimet. En avril 2013, la candidature de Jean-Luc Martinez à la tête du Louvre avait été pré­férée à celle de Sylvie Ramond, ­directrice du musée des beaux-arts de Lyon et on avait pu vérifier dans ce choix que demeurait le « plafond de verre » auquel tant de candidates féminines se sont heurtées, dans le monde des musées comme dans beaucoup d’autres. Laurence des Cars est passée à travers.