Didier Deschamps et Noël Le Graët, en novembre 2014. | FRANCK FIFE / AFP

Sa sortie était attendue. Mardi 1er mars, le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, s’est officiellement prononcé en faveur de la réélection du président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, 75 ans, qui briguera un troisième mandat lors du scrutin du 18 mars. « Ma position est claire : j’espère et je souhaite la réélection de Noël Le Graët. Indépendamment de notre relation de grande confiance, tout ce qu’il a accompli depuis son investiture en 2011 est très positif », a déclaré le patron des Tricolores dans un entretien au Parisien, avant de saluer le bilan de son employeur.

« Au niveau sportif, l’équipe de France est vice-championne d’Europe, et les sélections de jeunes sont très performantes. Son bilan économique est tout aussi probant (43 millions d’euros par saison plus 7,5 millions en dotation de matériel pour la période 2018-2026), a développé le Bayonnais, finaliste malheureux de l’Euro 2016, et en poste depuis 2012. J’en veux pour preuve les retombées économiques de l’Euro qui ont permis, entre autres, d’augmenter de manière conséquente les aides financières pour le foot amateur. Il y a aussi le nouveau contrat avec Nike [par an] qui se révèle très important. »

Un tandem solide

Le capitaine des champions du monde 1998 sort ainsi de sa réserve à la veille d’une élection qui se résumera – outre les candidatures anecdotiques de David Donadei et d’Eric Thomas – à un duel entre le président sortant de la FFF et son ancien bras droit Jacques Rousselot, membre du comité exécutif de la Fédération et patron du club de Nancy depuis 1994. Ce dernier avait d’ailleurs fait savoir au Monde, en janvier, que Noël Le Graët lui avait initialement promis sa succession avant de se raviser et de briguer un nouveau mandat.

L’intervention de Didier Deschamps dans la campagne n’a pas surpris grand monde dans le microcosme du football français. Depuis son intronisation, le sélectionneur des Bleus n’a jamais caché sa satisfaction concernant la solidité du tandem qu’il forme avec Le Graët. Le capitaine des champions du monde 1998 apprécie le dirigeant breton de longue date. En tant que président de la Ligue de football professionnel (1991-2000), ce dernier a longtemps été aux premières loges pour suivre l’épopée des Bleus de la bande à Deschamps. L’ancien numéro un du club de Guingamp (1971-2011) ne se prive pas, d’ailleurs, de considérer « DD » comme un éventuel successeur à la tête de la Fédération.

Véritable argument électoral pour Le Graët, le sélectionneur est actuellement sous contrat avec la FFF jusqu’au Mondial russe, en 2018. Et, même si la question reste encore très vague, une prolongation de son bail apparaît envisageable pour un grand nombre d’observateurs si d’aventure le président de la Fédération était réélu. « J’ai un seul objectif qui accapare toute mon énergie : la qualification pour le Mondial 2018 », a insisté le technicien de 48 ans tout en estimant que « ça n’aurait pas de sens » que son destin soit lié à celui de Le Graët. Il a confirmé vouloir aller jusqu’au terme de son mandat « à moins qu’on ne veuille plus de (lui)… »

La sortie médiatique de Deschamps pose la question de la place du sélectionneur dans ce contexte électoral hautement sensible. D’autant que le président de la FFF se garde bien de donner l’impression d’utiliser trop ostensiblement le patron des Bleus durant sa campagne. En mai 2016, avant l’Euro, Le Graët n’avait pourtant pas hésité à faire applaudir « DD » lors de l’assemblée fédérale qui s’était tenue à Tours, après les propos polémiques d’Eric Cantona à la de suite la mise à l’écart de l’attaquant tricolore Karim Benzema, mis en examen dans la fameuse affaire du chantage à la « sextape » fait à Mathieu Valbuena.

« Mélange des genres »

Selon nos informations, le clan Rousselot a d’ailleurs milité pour que Didier Deschamps fasse preuve d’une forme de neutralité durant la campagne. Le candidat et son colistier Jean-Michel Roussier, ex-président de l’Olympique de Marseille (1995-1999), ont contacté le sélectionneur et son agent, Jean-Pierre Bernès. Ils ont fait savoir au patron des Bleus qu’un « minimum de neutralité serait le bienvenu » tout en lui affirmant qu’« il ne devrait pas avoir d’inquiétude de quelque nature que ce soit » en cas d’élection de Rousselot. Dans l’entourage du rival de Le Graët, on rappelle volontiers son rôle déterminant dans les négociations qui ont abouti au recrutement de Deschamps, en 2012.

De son côté, le candidat Eric Thomas a décidé d’« interpeller la Commission électorale de la FFF » à la suite de la sortie du sélectionneur, fustigeant un « manquement manifeste aux règles de la campagne », un « conflit d’intérêts », un « mélange des genres permanent », tout en s’interrogeant sur « la nature du service commandé au sélectionneur national par son employeur ».

« Il n’y a pas de fumée sans feu, souffle un fin connaisseur de la FFF. Deschamps ne se serait pas exprimé davantage si on ne lui avait pas demandé d’être davantage neutre. » Le sélectionneur a d’ailleurs prévu de s’exprimer prochainement dans les médias pour soutenir à nouveau son « patron » Noël Le Graët.