Le vice-président, Mike Pence (à gauche), et le speaker de la chambre des représentants, Paul Ryan (à droite), applaudissent le président Donald Trump (au centre), lors de sa première allocution devant le Congrès, le 28 février. | POOL / EPA

Il n’a pas été question de « carnage » américain comme lors de la prestation de serment, le 20 janvier, ponctuée par son poing brandi. Pas question non plus des accusations de « médias bidon » martelées pendant sa conférence de presse du 16 février. Donald Trump a rompu mardi 28 février avec la rhétorique de ses discours de campagne souvent proches de la dystopie, ainsi qu’avec les salves assassines publiées sur son compte Twitter.

Le cadre solennel du Congrès et le trouble créé par cinq premières semaines tumultueuses, quoiqu’en dise la Maison Blanche, imposait un effort de discipline. M. Trump y a sacrifié sur le ton, sans renier pour autant les thèmes qui l’ont porté à la présidence, ni la promesse de « donner la priorité aux Américains ». Comme d’autres avant lui, il a su jouer également de la présence à la tribune d’Américains qu’il avait invités, cités littéralement comme témoins, qu’il s’agisse de victimes de sans-papiers au chapitre des méfaits de l’immigration illégale, ou de parents de policiers tués dans l’exercice de leurs fonctions, pour rappeler au respect des forces de l’ordre.

L’émotion a même saisi le Congrès tout entier lors que le président a rendu un hommage appuyé à un soldat des forces spéciales tué en janvier, peu après son arrivée à la Maison Blanche, au cours d’une opération au Yémen, Ryan Owens. La veuve de ce dernier avait pris place à la droite de sa fille Ivanka. Elle a accueilli debout l’ovation interminable, le visage baigné de larmes. Le père du militaire avait refusé pour sa part de rencontrer le président compte tenu des interrogations soulevées par la conduite du raid.

Main tendue aux démocrates

En parvenant à ne pas trop s’écarter de son discours, comme il en a souvent pris la liberté par le passé, M. Trump a pu projeter une image plus présidentielle. Alors qu’il n’a cessé de dénoncer la « pagaille » qu’il a selon lui hérité de son prédécesseur, Barack Obama, il s’est ainsi gardé mardi de s’appesantir sur ce legs. Au contraire, il s’est efforcé de tracer un cap optimiste vers l’avenir et les 250 ans des Etats-Unis qui coïncideraient presque pour lui avec la fin d’un second mandat s’il devait être réélu en 2020. « Un nouveau chapitre de la grandeur américaine débute », a-t-il voulu croire, « nous assistons au renouveau de l’esprit américain ».

Dans cet esprit, M. Trump a tendu la main aux démocrates qui l’ont écouté impassibles, ou en hochant régulièrement la tête en signe de dénégation. « Telle est notre vision, telle est notre mission, mais le seul moyen d’y arriver est d’être rassemblés », a-t-il néanmoins assuré. Dans une allusion au mouvement des suffragettes, de nombreuses élues s’étaient vêtues de blancs en signe de préoccupation pour les droits des femmes sous une administration déterminée par exemple à limiter le plus possible l’avortement.

Le président a cependant doublé ses appels au consensus et aux compromis par la réaffirmation de convictions qui ne laissent guère de place, justement, à des majorités de projets. A commencer par le rappel d’un nationalisme économique synonyme de protectionnisme et d’une extrême fermeté affichée en matière d’immigration. « En appliquant enfin nos lois sur l’immigration, nous augmenterons les salaires, aiderons les chômeurs, économiserons des milliards de dollars et renforcerons la sécurité de nos communautés », a-t-il déclaré.

Le même volontarisme a été affiché en matière de réforme fiscale. « Nous devons faire redémarrer le moteur de l’économie américaine et faire en sorte qu’il soit plus facile pour nos entreprises de faire des affaires aux Etats-Unis et plus difficile pour elles de partir », a-t-il dit, dans une allusion aux délocalisations. Il a également agité sous les yeux de républicains extatiques la perspective de l’abandon de l’extension de la protection sociale héritée de son successeur, l’Obamacare, promettant un système à la fois moins cher, plus efficace et plus souple, que la majorité républicaine du Congrès peine pourtant à traduire dans les faits.

Souhait d’un monde pacifié

M. Trump n’a pas évoqué une seule fois la lutte contre le réchauffement climatique et ses défis. Il n’a pas parlé non plus de l’automatisation qui constitue pourtant pour les emplois américains un danger plus grand que l’immigration illégale. A ce chapitre, il n’est pas non sorti de l’ambiguïté, comme l’indiquaient certaines fuites de la presse, quelques heures avant sa visite au Congrès, à propos du sort des millions de sans-papiers sans casiers judiciaires dont il avait évoqué l’expulsion pendant la campagne avant de se raviser. La seule réforme de l’immigration esquissée mardi a concerné un système « au mérite » inspiré des exemples canadiens et australiens.

« Mon travail ne consiste pas à représenter le monde. Mon travail consiste à représenter les Etats-Unis »

Le ton du président est resté enfin mesuré lorsqu’il a évoqué la place des Etats-Unis dans le monde. M. Trump n’a pas rompu avec l’intention de réduire le déploiement américain, à l’exception de la lutte contre le « terrorisme islamique radical », qu’il veut « rayer de la planète ». « Mon travail ne consiste pas à représenter le monde. Mon travail consiste à représenter les Etats-Unis », a-t-il lancé. Il s’est montré cependant plus amène que par le passé vis-à-vis de l’OTAN qu’il a promis de « soutenir avec force ». Après avoir souhaité une hausse significative des crédits militaires, M. Trump a plaidé pour un monde pacifié. « Nous voulons l’harmonie et la stabilité, pas des guerres et des conflits », a-t-il déclaré.

Alors qu’il recueille pour l’instant le plus faible soutien pour un président en début de mandat dans l’histoire récente des Etats-Unis, M. Trump espère sans doute que ses efforts de pacification, cette fois-ci intérieure, lui permettront d’élargir sa base. A condition cependant que la mue de mardi soit durable.