Rui Almeida, nouvel entraîneur de Bastia, est le troisième Portugais à la tête d’un club de Ligue 1. | PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

« Les qualités tactiques et stratégiques des techniciens portugais en font les meilleurs entraîneurs du monde. » Dans les colonnes de The Technician, la revue spécialisée de l’UEFA, Jorge Jesus, l’entraîneur du Sporting Portugal, ne fait pas dans la demi-mesure. Mais la Ligue 1 l’a apparemment entendu. L’arrivée lundi de Rui Almeida à la tête de Bastia marque un tournant dans le coaching français. Avec Leonardo Jardim et ses Monégasques qui dominent le championnat, Sergio Conceiçao qui redonne des couleurs aux Canaris nantais, trois entraîneurs portugais exercent désormais sur les pelouses de Ligue 1. La tendance actuelle est clairement au coaching portugais, qui cherche son nouveau José Mourinho.

A l’honneur en Ligue 1

Au coup d’envoi de la saison, Leonardo Jardim était encore cet entraîneur défensif, roi du 1-0, incapable de concurrencer le surpuissant PSG. Six mois plus tard, après avoir transformé Monaco en l’équipe à l’attaque la plus prolifique d’Europe, plus personne ne le critique. Cramponné à la tête de la Ligue 1, l’AS Monaco fait une saison quasi parfaite. Alors, au moment de changer d’entraîneur, Nantes et Bastia se sont tournés vers le Portugal pour y dénicher respectivement Sergio Conceiçao et Rui Almeida.

Leonardo Jardim et ses monégasques ont tenu tête au Manchester City de Pep Guardiola. | OLI SCARFF / AFP

A 47 ans, Rui Almeida est de la même génération que ses homologues du championnat de France. Comme eux, il appuie sa réussite sur la maîtrise de tous les aspects du football moderne : technique, tactique, physique, mais aussi la préparation mentale, la communication et la formation. Seulement, lui n’a jamais pu appliquer cette recette dans un grand championnat européen, se contentant de rôles secondaires (adjoint notamment au Panathinaïkos et au Sporting Lisbonne avant de s’engager au Red Star en 2015). Il va désormais pouvoir s’affirmer à Bastia, actuel 19e de Ligue 1, qui n’a plus connu la victoire depuis le 17 décembre dernier, à Rennes (2-1). Le défi paraît ardu, mais selon Pierre-Marie Geronimi, président du club : « Il ne risque pas d’avoir peur d’aller au charbon. »

Aller au charbon, c’est bien ce que fait Sergio Conceiçao, l’entraîneur du FC Nantes depuis trois mois, après avoir récupéré des Canaris bien mal embarqués. Mais leur 19e place d’alors, synonyme de relégation, est déjà un lointain souvenir. Sous la houlette de son entraîneur lisutanien, Nantes a fait un bond jusqu’à la 12e place de Ligue 1, engrangeant 26 points en 14 matchs de championnat. Forcément, cela attire l’attention. Conceiçao est dans les petits papiers de Leicester, avant-dernier de Premier League, qui vient de se séparer de Claudio Ranieri. Mais Waldemar Kita, le président nantais, a très vite balayé cette possibilité dans les colonnes de L’Equipe : « Qu’il soit contacté, ça veut d’abord dire qu’il est bon (…), mais il est hors de question qu’il parte. » Preuve d’un travail remarquable, qui ne doit rien au hasard.

L’école des « profesores »

Le Portugais Artur Jorge est le premier entraîneur Portugais de Ligue 1. | GERARD MALIE / AFP

La première rencontre entre la France et un technicien portugais date du début des années 1990. Les Parisiens tombent alors sous le charme de la moustache d’Artur Jorge. Le premier entraîneur portugais de Ligue 1, déjà détenteur d’une C1 avec le FC Porto (1987), remporte la Coupe de France 1993, puis le championnat un an plus tard, avec le PSG.

Après une longue tradition de techniciens étrangers, des clubs comme le Benfica, Porto et le Sporting ont donné leur chance à de jeunes entraîneurs locaux. C’est ainsi que Mourinho, puis Villas Boas, ont gagné avec Porto avant de signer en Angleterre. D’autres les ont alors remplacés, souvent sur le même modèle. Jeunes, ouverts sur les techniques modernes de management et sur les nouveaux outils technologiques, ils ont souvent débuté en bas de l’échelle. Mourinho a par exemple commencé en étant soigneur, puis entraîneur assistant, puis traducteur de Van Gaal à Barcelone.

« Chez nous, tout le monde est entraîneur, s’amuse João Alves, cet ancien international. Les gens sont fous de foot et il y a dix journaux qui ne parlent que de ça. » Quasiment tous passés par l’Institut supérieur d’éducation physique de Lisbonne, les entraîneurs ont commencé à la base, sans brûler les étapes, avec l’humilité nécessaire à l’apprentissage d’un nouveau métier.

Les fameuses cellules de recrutement illustrent elles aussi le bon travail de ces techniciens. Beaucoup d’entraîneurs, les profesores, comme Mourinho, ont été observateurs et recruteurs auparavant. De quoi les rendre plus sensibles aux besoins de leur équipe et plus réactifs aux éventuelles opportunités du marché. « Nous avons une manière spéciale de regarder le football, concède João Alves au journal Le Temps, en donnant beaucoup d’importance à la technique et à la tactique. Ce sont des choses que l’on se transmet de génération en génération. Chez nous, la formation des entraîneurs est quelque chose de très important. » Les entraîneurs portugais ont tous un point commun : l’admiration de leurs profesores