L’enseignant juif attaqué à la machette à Marseille, le 12 janvier 2016, à la sortie de l’hôtel de police de la ville. | BORIS HORVAT / AFP

Le procès d’un jeune homme de 17 ans qui avait agressé le 11 janvier 2016 à la machette un enseignant d’une école juive de Marseille portant une kippa, s’ouvre mercredi 1er mars devant le tribunal pour enfants de Paris. Il se déroulera à huis clos.

L’accusé, qui avait 15 ans au moment des faits et s’était revendiqué de l’Etat islamique, encourt jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle. Il est poursuivi pour « entreprise terroriste individuelle et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste », avec la circonstance aggravante de l’antisémitisme.

Il s’agit du premier procès terroriste criminel devant le tribunal pour enfants de Paris, qui n’a jusque-là été amené à juger que des affaires djihadistes délictuelles.

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« Il a juste besoin de comprendre »

D’après Fabrice Labi, avocat de la victime, l’enseignant arrive à ce procès « avec énormément de questions ».

« Il a juste besoin de comprendre pourquoi ce garçon en est arrivé là et pourquoi il s’en est pris à lui, a-t-il dit à l’agence de presse Reuters. De comprendre comment ce garçon a pu se radicaliser au point de vouloir donner la mort. »

L’agresseur, actuellement incarcéré, a manifesté des regrets en prison, assure Me Labi. « Mais sa volonté de rédemption est arrivée très tard, trois-quatre mois avant le procès », dit-il, ajoutant qu’il ne s’est jamais excusé. L’enseignant, très fortement affecté par les faits, n’a toujours pas repris son travail.

Selon les éléments (interrogatoires, expertises) obtenus par Le Monde en janvier, l’agresseur avait immédiatement revendiqué sa volonté de « tuer des juifs », de « venger [ses] frères palestiniens » après son interpellation, allant jusqu’à regretter de ne pas avoir « coupé la victime en deux ».

« Nécessité de maintenir un regard vigilant »

Plus récemment, il assurait que « ce n’est pas bien de tuer des gens sans raison et comme ça », ajoutant : « Avant je ne réfléchissais que religieusement, maintenant je sais qu’on est d’abord humain et puis ensuite musulman. » En septembre, un expert psychiatre soulignait qu’il semblait « s’être distancié du système totalitaire de pensée dans lequel il se trouvait ». L’expert insistait aussi sur « la nécessité de maintenir un regard vigilant sur son évolution ».

L’agression avait suscité une vive émotion au sein de la communauté juive. Evoquant une « situation exceptionnelle », le président du Consistoire israélite de Marseille avait notamment recommandé aux fidèles de ne pas porter la kippa provisoirement, une prise de position critiquée par le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et le grand rabbin de France, pour qui cela revenait à céder à l’Etat islamique.

Huit juges dédiés

Depuis plusieurs mois, le tribunal pour enfants de Paris se prépare à une véritable déferlante de procès djihadistes, après la mise en examen de plusieurs mineurs soupçonnés d’avoir projeté des attentats.

Dès septembre 2016, le président du tribunal a créé un groupe de huit juges dédiés sur quatorze. Spécialement formés, ils sont les seuls à siéger pour les dossiers djihadistes. Une dizaine d’assesseurs (membres de la société civile qui composent le tribunal avec le juge), se sont également constitués en pôle spécialisé. Une trentaine de juges, assesseurs et éducateurs ont par ailleurs reçu une formation spécifique pour faire face à ce phénomène nouveau mais persistant.

En décembre 2016, 50 mineurs, dont 14 filles, étaient mis en examen dans des dossiers djihadistes.