L’Afrique a vu le nombre de visiteurs étrangers augmenter de 8 % entre 2015 et 2016, selon les chiffres publiés en début d’année par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). L’affluence chinoise n’est pas étrangère à la croissance du tourisme en Afrique qui, selon l’OMT, pourrait devenir « un nouvel eldorado pour cette industrie ».

Cinquante-huit millions de visiteurs – toutes nationalités confondues – se sont rendus en Afrique en 2016 (hors Egypte). Malgré le contexte international difficile, trois pays – le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud – tirent leur épingle du jeu sur le continent. Ces destinations clés du tourisme africain cherchent à se développer en attirant des clients venus d’Asie, et notamment de Chine.

En 2008, moins de 3 % des touristes chinois partant à l’étranger choisissaient l’Afrique pour leurs vacances. En 2016, ce taux est monté à 10 % sur un total de 113 millions de Chinois ayant quitté leur pays pour les vacances. Un chiffre qui augmente de près de 50 % par an. Il semble que les congés du Nouvel An lunaire qui viennent de s’achever ont battu de nouveaux records.

Une véritable manne

Ce dynamisme attise les appétits. Les Chinois dépensent en effet beaucoup en voyages : 215 milliards de dollars (203,8 milliards d’euros) en 2015. En moyenne, la note, par nuitée, d’un touriste chinois est 40 % supérieure à celle d’un Européen dans un pays comme le Maroc. Une véritable manne que se disputent tous les pays du monde.

Pourtant, malgré des relations économiques et politiques de plus en plus fortes, les Chinois connaissent mal le continent mais avouent une passion pour les grands espaces, les animaux sauvages… Les documentaires sur la faune africaine font un carton à la télévision chinoise.

Reste la question de l’insécurité : 2015 a été une année noire dans ce domaine avec une série d’attentats en Tunisie, en Egypte, au Mali et en Côte d’Ivoire qui a fait chuter le nombre de visiteurs étrangers. 2016 aura permis de tourner la page. Restent les questions de criminalité ordinaire. En février, les images de trois touristes agressés à Johannesburg, une destination très populaire en Chine, ont fait le tour des médias chinois.

Le décollage du tourisme chinois en Afrique tient dans une politique volontariste. En 2016, sept antennes consulaires sud-africaines ont été ouvertes en Chine afin de faciliter l’obtention des visas. Plusieurs accords ont également été signés entre les agences de voyage des deux pays. Résultat : le nombre de touristes chinois en Afrique du Sud a augmenté de 93 % entre 2015 et 2016. En moyenne, l’Afrique du Sud accueille 7 000 touristes chinois par mois avec des pics à 10 000 pendant les mois d’été ou du Nouvel An chinois.

Multiplié par « quatre ou cinq »

Le succès sud-africain a donné des idées à d’autres. Au Kenya tout d’abord, destination phare des amoureux de safaris : 100 000 d’entre eux ont visité le pays en 2016 et les agences de voyage locales ont beaucoup investi dans les outils de séduction en lançant notamment des campagnes marketing sur WeChat, le réseau social préféré des Chinois.

En Egypte aussi, le léger frémissement enregistré (551 600 touristes en décembre 2016 contre 440 000 un an plus tôt) est animé par les touristes chinois et japonais, les Occidentaux restant encore prudents après des années de violences politiques au pays des pyramides. La plus grande agence de voyage publique chinoise, la China International Travel Service (CITS), confirme une augmentation de 58 % du nombre de touristes s’étant rendus en Egypte en 2016. Et l’agence de voyage japonaise HIS assure que le nombre de touristes pour l’Egypte a été multiplié par « quatre ou cinq » entre 2015 et 2016. Depuis la reprise en avril 2016 des vols charters au départ du Japon, le taux de remplissage des avions est en moyenne de 80 %.

Au Maroc, la hausse est moins marquée mais tout aussi intéressante. En 2016, 10,3 millions de touristes ont visité le royaume chérifien, en hausse de 1,5 % par rapport à 2015. Les chiffres de l’Observatoire marocain du tourisme soulignent que les visiteurs russes et chinois étaient plus de 100 000 en 2016 à visiter le pays. Le Maroc retrouve ainsi son plus haut niveau de 2013.

Suppression des visas

La mesure la plus spectaculaire à l’origine de cette poussée du tourisme est la suppression des visas pour les touristes chinois en juin 2016. Les premiers résultats sont très positifs avec une hausse de 300 % du nombre de touristes chinois depuis la mise en place de cette mesure. En décembre 2016, 7 000 chinois ont visité le Maroc contre 700 seulement un an plus tôt. Le Maroc fait désormais jeu égal avec l’Afrique du Sud. Cette année, on attend plus de 100 000 visiteurs chinois au Maroc avec l’ambition d’en attirer un million d’ici 2030. L’exemple marocain fait déjà des émules. La Tunisie a ainsi supprimé, le 16 février, les visas pour les Chinois.

Le marché chinois est encore dominé par les tour-opérateurs publics dont les clients se tournent en priorité vers le « tout en un » : eux achètent des circuits auprès d’agences chinoises, partent les mains dans les poches, et finalement dépensent très peu auprès des commerçants locaux. Pour les inciter à consommer sur place, certains pays comme la Thaïlande ont déjà interdit ce genre de voyages où tout est payé en Chine et quasiment rien sur place. Elle oblige les tour-opérateurs chinois à travailler avec les opérateurs locaux pour faire entrer des devises étrangères. Pour ces mêmes raisons, les pays africains devraient s’en inspirer. Ceci est d’autant plus important que la Chine commence à investir dans l’hôtellerie en Afrique et dans le transport aérien.

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.