Tracés du programme du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). | SNCF / DR

Depuis près de quinze ans, un dossier d’infrastructures mobilise les grands élus aquitains, picto-charentais et midi-pyrénéens : la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Bordeaux à Dax, d’un côté, et à Toulouse, de l’autre. L’enjeu de ces grands projets du Sud-Ouest (GPSO) est de taille : d’ici à 2027, 327 kilomètres de lignes nouvelles, 9,1 milliards d’euros d’investissements, 5,3 millions de voyageurs supplémentaires jusqu’à Toulouse et de nombreux territoires à traverser, dont certains fragiles, comme le Sauternais (Le Monde du 15 juin). Avec un horizon lointain pour leur réalisation : 2024 pour Bordeaux-Toulouse et 2027 pour Bordeaux-Dax dans les Landes, avant Hendaye.

Ce projet s’est invité dans la campagne des régionales, et révèle, chez les deux principales têtes de liste, des ­positions qui, a priori, peuvent surprendre : un socialisme qui promeut le progrès technique et l’économie, et une droite républicaine opposée aux grands travaux, pour qui l’amélioration de l’existant prime sur le déve­loppement économique supposé de ces grandes infrastructures. A chacun sa « vision pragmatique », disent les deux têtes de liste, Alain Rousset pour le PS et le PRG, Virginie Calmels pour LR et le MoDem.

Tout est parti d’une Fête de la rose à Soustons, dans les Landes, samedi 26 septembre : ce jour-là, Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux transports, confie à Alain Rousset, président sortant du conseil régional d’Aquitaine, que la déclaration d’utilité publique (DUP) sur le GPSO sera bientôt signée.

En pleine campagne pour sa réélection, M. Rousset, défenseur invétéré de ce projet depuis sa première élection en 1998, s’empresse de l’annoncer : « Je ne peux pas me dédire [sur ce dossier], assure-t-il. Il faut que les politiques et les aménageurs déclientélisent leur discours et tiennent bon sur les grands projets. »

« Cadeau électoral »

Même si la DUP n’est toujours pas signée, l’élu régional, également député de la Gironde, est soulagé : en mars 2015, la commission d’enquête publique avait donné un avis défavorable sur GPSO, ce qui aurait pu faire avorter le projet. Cette annonce est une douche froide pour les opposants au projet, mais va-t-elle avoir une incidence dans les urnes ? Virginie Calmels dénonce un « cadeau électoral ». Il est vrai qu’aux élections régionales de 2010 la liste PS s’en était bien tirée, même dans les départements les plus hostiles au GPSO.

Mais « Alain Rousset ne voit pas la prise de conscience des électeurs en général, à la différence de 2010 où les ­anti-LGV étaient assez minoritaires », souligne Martine Alcorta, vice-présidente EELV sortante et candidate sur ­la liste régionale conduite par Françoise Coutant. Alain Rousset – qui assure avoir l’innovation, la recherche et la défense des PME « dans [son] ADN » – semble serein : il est persuadé de l’intérêt de ce projet d’infrastructures. Les milieux économiques aquitains sont sur la même ligne.

Il n’est pas le seul : de la Charente-Maritime à Hendaye, de Bordeaux à Toulouse, presque tous les grands élus, de la droite républicaine au PS, sont favorables à cette grande infrastructure, à l’exception de Ségolène Royal, ex-présidente socialiste du conseil régional de Poitou-Charentes, qui n’a jamais voulu financer ni la LGV Tours-Bordeaux prévue pour 2017 ni le GPSO.

« De toute façon, quelle que soit l’alternance politique à Paris ou à Bordeaux, il n’y aura personne pour abandonner ce projet sur un plan politique », souffle Gilles Savary, député socialiste de la ­Gironde, spécialiste des transports, un des rares élus ouvertement opposés à ce programme.

Dans ce concert unanime, Virginie Calmels s’est démarquée de son camp, après quelques hésitations : elle avait retweetté un message d’Alain Juppé qui reconnaissait « la bonne nouvelle » de la DUP, « retweet » disparu de son compte depuis – « une erreur de manipulation d’un petit jeune de mon équipe », argue-t-elle. La nouvelle adjointe à l’économie de Bordeaux a ensuite écrit une longue tribune de trois pages contre la priorité donnée au GPSO et pour « un projet global des transports ».

En résumé, avant de se lancer dans un grand projet « qui ne verra pas le jour à cause de problèmes financiers et environnementaux non réglés », « l’urgence est de moderniser les infrastructures de proximité », comme les routes, le renouvellement des TER, des lignes ferroviaires locales et régionales. Les opposants au GPSO ne disent pas autre chose. « Avec Alain Juppé, on est d’accord sur 99,9 % des choses, mais il parle au nom de Bordeaux et de la métropole et moi, au nom de la région », se justifie Mme Calmels.

Conviction ou calcul politique pour récupérer les voix des opposants dont le profil dépasse les clivages partisans ? « Je ne fais pas de politique politicienne et je veux agir de manière pragmatique, assure la présidente du conseil de surveillance d’Euro Disney. C’est la responsabilité des politiques d’avoir des projets de long terme, mais c’est sur le quotidien qu’on nous attend. »

Pas sûr, cependant, que cette mobilisation fasse bouger les lignes avant le scrutin des 6 et 13 décembre : « D’abord, Limousin et Poitou-Charentes sont moins concernés par l’aspect émotionnel du dossier », constate Gilles Savary. Ensuite, il n’est pas certain que les contempteurs du projet soient sensibles au ralliement de Mme Calmels à leur position. Restent, parmi les listes opposées au GPSO, les Verts et le Front de gauche ou encore le parti pris de… l’abstention.