Donald Trump pour son discours devant les deux chambres du Congrès, à Washington le 28 février. | POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Pour la première fois depuis son élection, Donald Trump a eu, mardi 28 février, le ton « présidentiel ». Prononçant son premier discours sur l’état de l’Union – en gros, le programme de la Maison Blanche pour l’année à venir –, il n’a insulté personne. Devant les deux chambres du Congrès, il avait l’air presque apaisé : pas un mot contre le Mexique, la presse, les pays musulmans, ces villes ou ces pays d’Europe « défigurés », selon lui, par l’immigration.

Sur le fond, il a redit les grandes lignes d’un programme où le nationalisme économique est l’élément dominant, mais sans fournir le moindre détail. Comme si la difficulté de l’art de gouverner, qui n’est pas celui de faire campagne, commençait à l’effleurer, presque à l’intimider.

Le cap économique est bien le même : « donner la priorité aux Américains ». Il entend rendre plus difficiles les délocalisations d’entreprises américaines, libérer les salaires de la pression de l’immigration, diminuer considérablement l’impôt sur les sociétés, enfin soumettre un jour au Congrès un plan de modernisation des infrastructures de 1 000 milliards de dollars dont on ignore toujours comment il sera financé. L’investissement en matière de défense sera soutenu, puisque M. Trump va augmenter de 9 % le budget du Pentagone, déjà le plus important du monde.

Une affaire bien compliquée

Au-delà de la renonciation aux deux grands traités de libre-échange – l’un avec l’Europe, l’autre avec la région Asie-Pacifique – imaginés par son prédécesseur, comment traduire dans les faits cette approche nationaliste de l’économie ? M. Trump ne le dit pas. Les républicains préparent un projet de taxe aux frontière, mais le président trouve l’affaire bien compliquée.

Toute son équipe économique, recrutée auprès de la banque d’affaires Goldman Sachs, n’ignore pas cette règle de base de l’économie globalisée : qui n’importe pas n’exporte pas. Autrement dit, M. Trump sait que les principaux partenaires de l’économie américaine, l’Asie et l’Union européenne, sont décidés à faire respecter l’exigence minimale qu’est la réciprocité. Le radicalisme simpliste de sa campagne cède le pas devant les lois de la réalité.

Il en va de même au chapitre du contrôle de l’immigration, deuxième pilier du nationalisme économique trumpien. Le président change de registre. L’homme du mur de la frontière sud, que les Mexicains, c’est promis, allaient payer aux contribuables américains, s’est contenté d’une banalité : « Il faut enfin appliquer nos lois sur l’immigration. » L’homme de l’expulsion massive de quelque 11 millions d’illégaux dit aujourd’hui ne pas exclure des aménagements…

Il n’esquisse aucune perspective en politique étrangère, au-delà d’un « soutien » à l’OTAN réaffirmé avec « force », de même que sa détermination à lutter contre le djihadisme. Il est le président du repli américain. Il confirme sa sensibilité isolationniste et son refus de tout messianisme : « mon travail ne consiste pas à représenter le monde » ni à lutter pour qu’il ressemble aux Etats-Unis.

L’ensemble dessine un projet résolument favorable aux milieux d’affaires et à Wall Street et méfiant à l’égard de toute aventure militaro-diplomatique à l’extérieur. Derrière la prudence de ce discours, on sentait l’hésitation d’un Donald Trump qui, quittant un moment son style de bateleur vulgaire et agressif, prenait enfin la mesure de la complexité de sa tâche. On en tirera une conclusion prudente : mieux vaut tard que jamais.

Donald Trump face au Congrès : que retenir de son allocution ?
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