Emmanuel Macron, en visite à Egletons (Corrèze), le 21 mai 2016. | GEORGES GOBET/AFP

Entre la gauche et la droite. Le programme d’Emmanuel Macron sur l’éducation puise dans deux rhétoriques sur l’école. D’un côté, celle de François Hollande, de Vincent Peillon et de ses successeurs Rue de Grenelle : « investir », donner la « priorité » au primaire et aux zones d’éducation prioritaire (ZEP) pour lutter contre l’échec scolaire et les inégalités sociales. Des principes inscrits au cœur de la loi de refondation de l’école de 2013. De l’autre, la promesse d’une autonomie accrue des établissements, y compris en matière de recrutement des enseignants. Et la remise en cause, plus ou moins partielle et implicite, de la réforme des rythmes scolaires et de celle du collège.

Continuité d’abord. Le candidat du mouvement En marche ! s’inscrit dans la poursuite de la politique éducative menée par la gauche depuis 2012 en maintenant l’investissement sur l’éducation. Il propose la création de « 4 000 à 5 000 » postes sur le prochain quinquennat – alors qu’il compte supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Un effort modeste, comparé à celui mené sous la gauche (60 000 créations de postes), mais qui doit permettre de limiter à 12 élèves dans les ZEP la taille des classes de CP et CE1 – actuellement, la moyenne est de 22,7 élèves en ZEP. Soit un seuil significativement réduit pour avoir un impact en matière de suivi individualisé des élèves.

Pour financer cette mesure, le candidat compte aussi faire des économies sur le baccalauréat en le limitant à quatre épreuves finales (les autres seraient validées en contrôle continu). C’est peu ou prou ce que tout politique, de droite comme de gauche, avance lorsqu’il s’empare de la question de la réforme du baccalauréat – sans aller au-delà.

« Chaque commune adoptera la semaine qu’elle souhaite »

Libéral ensuite. M. Macron veut donner une « vraie » autonomie aux établissements scolaires. Un terme qui englobe, chez lui, à la fois la liberté pédagogique – sans préciser ce que celle-ci recouperait (liberté en matière de méthodes, de contenus, de répartition des heures ?) – et celle de pouvoir recruter les enseignants.

Cette idée, on la retrouve dans le programme de François Fillon et qui s’inspire d’une initiative lancée en 2011 sous la droite : le programme « ECLAIR », appliqué dans les zones les plus difficiles, qui permettait au chef d’établissement de choisir ses personnels, sur la base de leur volonté et de leur adhésion au projet d’établissement. Il s’agissait de rompre avec l’affectation des professeurs débutants dans les établissements ZEP, désertés par les anciens. Problème : le projet s’était heurté au manque de volontaires. Emmanuel Macron fait le pari qu’en triplant la prime ZEP (de 1 000 à 3 000 euros par an), l’incitation sera suffisante.

Emmanuel Macron entend enfin revenir sur la très contestée réforme des rythmes scolaires mise en œuvre en 2013 et 2014 en « laissant la possibilité aux maires de sortir de la réforme », a-t-il déclaré, jeudi 2 mars, dans Le Parisien. Toujours selon un principe d’autonomie laissée aux acteurs locaux, « chaque commune pourra adopter la semaine qu’elle souhaite », a-t-il précisé. Le candidat donne également des gages aux adversaires de la réforme du collège, défenseurs des humanités classiques, en annonçant la réintroduction des classes bilangues, des parcours européens et d’un « véritable » enseignement du latin et du grec.

Rien de totalement nouveau dans le programme du candidat, si ce n’est la volonté de faire une synthèse entre différents courants de pensée. Un clin d’œil est même adressé aux partisans d’une autorité dure avec la proposition, inscrite à la deuxième place de son programme sur l’école, d’interdire l’usage des téléphones portables au primaire et au collège (ce qui est déjà prévu dans le code de l’éducation, mais inappliqué et inapplicable). Une stratégie politique pensée, mais qui tend à faire perdre au projet sa cohérence d’ensemble dans la vision de l’école et le sens de l’action publique.