Des visiteurs scrutent la Corée du Nord, en 2009, depuis la ville frontalière chinoise de Dandong, où sont installées des sociétés écrans nord-coréennes selon l’ONU. | FREDERIC J. BROWN / AFP

C’est un rapport qui ne peut pas plus mal tomber pour Pékin, qui avait voulu montrer un signe de bonne volonté à la communauté internationale face aux activités de prolifération nucléaire et balistique de la Corée du Nord. La Chine avait en effet annoncé, le 18 février, suspendre ses importations de charbon pour 2017, privant ainsi Pyongyang d’une manne financière d’un milliard de dollars ; mais l’enquête du comité des experts de l’ONU, dont Pékin cherche à tout prix à retarder la publication officielle, montre au contraire comment la Chine permet tacitement à la Corée du Nord de maintenir des relations commerciales « avec l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient ».

Ainsi, la Corée du Nord « fait fi des sanctions [imposées par l’ONU] en faisant commerce de marchandises interdites, avec des techniques de contournement de plus en plus importantes en termes de taille, de portée et de sophistication », note le rapport. La Chine sert de « zone de transit pour des produits commerciaux ou des transactions financières grâce à des sociétés-écrans », souligne George Lopez, qui a siégé au comité des sanctions de l’ONU en 2010 et 2011. Basées à Pékin, Hongkong ou encore Dandong, une ville sur la frontière, ces sociétés – non enregistrées comme des institutions financières mais fonctionnant comme telles – servent d’intermédiaires aux banques nord-coréennes pour continuer à financer leurs activités illicites. Dans les cas où l’accès financier est trop difficile, les agents nord-coréens, souvent des diplomates, utilisent le paiement en espèces ou en lingots d’or.

Tentaculaire

Le rapport décrit un réseau tentaculaire de sociétés-écrans chinoises « qui disparaissent progressivement des registres publics commerciaux », signe de « l’ingéniosité et de la capacité d’adaptation » des Nord-Coréens. Le rapport liste les produits nord-coréens vendus de la Malaisie à l’Erythrée en passant par la République démocratique du Congo en violation des résolutions onusiennes : charbon, lithium, missiles sol-air, matériel de communication militaire, statues en bronze à la gloire des autocrates africains ou pistolets automatiques.

En juillet 2016, une cargaison de radios militaires à destination de l’Erythrée a ainsi été interceptée en provenance de Chine. Les radios étaient commercialisées par une société-écran basée en Malaisie appelée Glocom, qui est contrôlée par le Bureau général de reconnaissance, l’agence de renseignement nord-coréenne chargée des opérations à l’étranger.

Dans une critique à peine voilée à Pékin, les experts de l’ONU notent que l’application des sanctions reste « insuffisante et inconsistante ». Cela a permis à Pyongyang « de poser des jalons en matière de technologie pour sa capacité [à maîtriser] des armes de destruction massive et tout indique que cela va continuer ». Le régime nord-coréen a ainsi indiqué « entrer dans la phase finale de préparation pour un essai de missile intercontinental », note encore le rapport.

Pékin n’a eu de cesse de jouer un jeu de dupes, alors que Pyongyang a procédé, en 2016, à deux essais nucléaires et à 26 tirs de missiles balistiques, « un nombre sans précédent » selon les experts. La Chine a montré une bonne volonté de façade en votant les sanctions les plus sévères jamais prises par l’ONU, mais, en coulisses, Pékin a maintenu un soutien commercial vital au régime de Kim Jong-un. Le magazine Foreign Policy a révélé qu’en décembre 2016 Pékin a acheté deux millions de tonnes de charbon à Pyongyang, deux fois plus que ce que l’ONU l’y autorise, et sans en référer au comité des sanctions. Invité à s’expliquer à huis clos, le représentant chinois aux Nations unies est resté muet.