Jean-Christophe Lagarde (à droite) et François Fillon, à Nogent-sur-Marne, en septembre 2015. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Entre François Fillon et l’UDI, la rupture est consommée. Mercredi 1er mars, avant la déclaration à la presse du candidat de la droite, Jean-Christophe Lagarde, le président du parti centriste, s’est entretenu avec lui : « Je lui ai expliqué que, s’il restait candidat, le soutien de l’UDI ne serait plus possible. » Dans l’après-midi, il annonçait que le bureau exécutif du parti se réunirait mardi 7 mars afin de prendre une décision collective et que, en attendant, la participation de l’UDI à la campagne de M. Fillon était « suspendue ».

A quelques exceptions près, comme le président de la région Normandie, Hervé Morin, ou le président de la Côte-d’Or, François Sauvadet, les responsables de l’UDI ont hâte de tourner la page Fillon. Mais ils veulent éviter d’ouvrir un autre chapitre en ordre dispersé. « Jouer collectif », c’est leur cri du cœur, tant, il est vrai, ils ont l’habitude de s’égailler à la moindre bourrasque.

Les plus stratèges redoutent, en se prononçant trop tôt ou trop vite en faveur d’Alain Juppé, de faire capoter les manœuvres engagées dans les rangs du parti Les Républicains pour « débrancher » M. Fillon. « On ne va pas être les déclencheurs du séisme, explique Philippe Vigier, le président du groupe UDI de l’Assemblée nationale. On a toujours dit que, s’il y avait un candidat rassemblant la droite et le centre, il aurait toute l’UDI derrière lui. Maintenant, on a un candidat qui n’est plus en mesure de rassembler son camp. »

« On sait tous qu’il ne peut plus gagner »

Un haut responsable du parti centriste résume la situation : « Les soutiens de Le Maire, de NKM, une partie des fillonistes veulent que ce soit Juppé qui y aille. Celui qui bloque, c’est Nicolas Sarkozy. Maintenant, certains sarkozystes vont bouger eux aussi. Nous ne voulons pas faire rater ce qu’ils s’apprêtent à faire. Mais, en tout état de cause, il n’y aura pas de retour en arrière, pas de soutien à Fillon. On sait tous qu’il ne peut plus gagner. »

Les centristes se défendent de « déserter » à l’épreuve du feu. « J’ai été loyal jusqu’au bout mais, aujourd’hui, il y a une privation de débat et chaque jour qui passe est une prime à Marine Le Pen. On ne peut pas être associé à ce qui est une perte de valeurs, se désole Vincent Capo-Canellas, sénateur (UDI) de la Seine-Saint-Denis. Sur le terrain, on ne se pose même plus la question de faire campagne. »

Pour Hervé Marseille, la situation est « tragique ». « On a participé à la primaire, on a joué le jeu en vue de l’alternance, maintenant il est temps qu’il y ait un sursaut, il faut une alternative, défend le sénateur (UDI) des Hauts-de-Seine. Il y en a au moins une qui paraît pertinente, c’est celle de Juppé, mais c’est à LR de prendre ses responsabilités. J’espère qu’ils ont la même conscience que nous des intérêts du pays. »

Retenir les parrainages

Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord, réunissait jeudi soir les militants de sa fédération pour les consulter. « On ne peut pas dire qu’on n’ait pas été fidèle, explique la vice-présidente de la région Hauts-de-France, mais nous faisons plus que nous interroger sur la poursuite du soutien à François Fillon. On ne peut plus faire campagne, les électeurs sont perdus. Si on ne fait pas preuve collectivement de responsabilité, c’est le FN qui est à nos portes. » Pour cette proche de Jean-Louis Borloo, il est urgent que celui-ci intervienne pour aider à dénouer la situation : « J’espère qu’il pourra nous éclairer utilement et discuter avec toutes les personnes responsables. »

Le fondateur de l’UDI, revenu cette semaine à Paris d’un séjour à Conakry, en Guinée, est abondamment consulté. Le maire de Nancy, Laurent Hénart, issu comme lui du Parti radical, s’est également entretenu avec lui : « Jean-Louis Borloo a été très clair. Il a dit à François Fillon que, s’il était mis en examen, il ne pourrait plus le soutenir. Il faut que Fillon corrige le tir sur l’engagement qu’il a pris de ne plus être candidat s’il était mis en examen. » En attendant qu’une position soit arrêtée mardi par le bureau exécutif de l’UDI, il a envoyé un mail à tous les élus radicaux pour leur demander de retenir leurs parrainages.

Certains élus UDI, cependant, comme Didier Lechien, le maire de Dinan (Côtes-d’Armor), ont d’ores et déjà accordé leur signature à Emmanuel Macron. Si l’hypothèse Juppé ne se concrétisait pas, il est probable qu’une partie significative des élus et des adhérents de l’UDI serait tentée de se tourner vers le candidat d’En marche !

En revanche, si M. Juppé revenait dans la course présidentielle, il y en a un qui serait bien embarrassé : c’est François Bayrou, qui avait soutenu le maire de Bordeaux lors de la primaire de la droite mais qui, le 22 février, a fait alliance avec M. Macron. Difficile pour lui, cependant, de faire le chemin inverse, mais ce sera quand même un crève-cœur.