Documentaire sur Arte à 22 h 40

SUGAR MAN - BANDE ANNONCE OFFICIELLE
Durée : 01:50

On peut voir en Sugar Man la preuve de l’existence du dieu des documen­taristes. Une force bienveillante a pris soin du projet de Malik Bendjelloul, réunissant les souvenirs de jeunesse de contestataires sud-africains, les échos de l’explosion folk-rock qui secoua la musique américaine il y a quarante ans et la personnalité stupéfiante d’un parfait inconnu qui aurait pu (dû) être une star mondiale.

Le jeune réalisateur suédois en a fait un film gracieux. Au commencement, il y a une trace : des dizaines de milliers de disques vinyle d’un artiste américain nommé Rodriguez, vendus en Afrique du Sud. Celui-ci a enregistré deux albums pour le label Sussex, en 1970 et 1971. Dans le torrent de nouveautés qui déferlait à l’époque dans les bacs des disquaires, ces deux LP sombrèrent sans laisser d’autres souvenirs que les quatre étoiles attribuées à Cold Fact, le premier d’entre eux, par l’hebdomadaire spécialisé américain Billboard.

Sauf au pays de l’apartheid, où ces deux disques connurent une popularité inattendue auprès de la jeunesse afrikaner. Le film détaille le mécanisme imprévu de cette adoption à l’aveugle.

Légendes

Si tous les étudiants de Johannesburg étaient capables de fredonner les paroles de Sugar Man, la chanson éponyme du film, ils ignoraient tout de son interprète, autour duquel naquirent plusieurs légendes. L’une d’elles voulait qu’il se soit immolé sur scène par le feu. Avec une poignée de fans sud-africains, dont le fondateur du culte voué à Rodriguez, Stephen « Sugar » Segerman, Malik Bendjelloul refait le parcours initiatique qui a conduit les dévots jusqu’à la révélation de leur idole. L’un des mérites de Sugar Man est de révéler le rôle des jeunes Afrikaners dans la lutte contre l’apartheid, un aspect méconnu de ces années terribles.

Oscar Winner Sugar Man - Rodriguez - LIVE
Durée : 03:31

Le film traverse ensuite l’Atlan­tique pour Detroit, où était basé le label Sussex. On rencontre les producteurs de Rodriguez et le patron de sa maison de disques, Clarence Avant, qui a bien du mal à expliquer ce que sont devenues les royalties engendrées par le succès sud-africain de son poulain (sans porter de condamnation, on sent bien que le réalisateur a envie de faire du vieux requin le méchant du film). Et l’on s’approche de la résolution de l’énigme. Si vous ne savez pas comment s’est conclue cette quête, mieux vaut voir le film, pour partager l’émotion ­violente qui secoua à l’époque Segerman et ses camarades.

Sugar Man, de Malik Bendjelloul (GB-Suède., 2012, 81 min).