Assa Traoré, le 4 mars 2017, à Beaumont-sur-Oise. | THOMAS SAMSON / AFP

C’était un rassemblement « symbolique » dans un lieu « symbolique », a répété Assa Traoré devant quelque 200 personnes, rassemblées ce samedi 4 mars après-midi, dans le quartier de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise, dans le Val-d’Oise. C’est ici, sur ce terrain de sport, qu’avait eu lieu, il y a près de huit mois, la première manifestation réclamant « Justice et vérité pour Adama », son petit frère de 24 ans, mort le 19 juillet 2016 dans les locaux de la gendarmerie de la commune voisine de Persan après une interpellation musclée.

Aujourd’hui, l’assemblée scandait « Libérez Bagui », un autre membre de la fratrie Traoré, mis en examen, avec sa compagne, le 2 mars, pour « tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Tous deux sont soupçonnés d’avoir fait feu sur les forces de l’ordre lors des violences qui ont éclaté dans les jours suivant la mort d’Adama. En décembre dernier, Bagui Traoré avait été condamné à huit mois de prison ferme pour outrages et violences à l’égard de policiers municipaux et de gendarmes lors d’un rassemblement organisé en marge d’un conseil municipal à Beaumont-sur-Oise.

Les Traoré dénoncent un « acharnement » des institutions destiné à « criminaliser la famille de la victime ». « Même sous la pluie, à la guerre comme à la guerre, a lancé au mégaphone la jeune femme de 31 ans, devenue porte-parole des Traoré, debout sur une estrade improvisée (deux tables posées sur l’herbe). Car aujourd’hui, c’est une guerre qu’on livre contre les Traoré […] Cela fait sept mois que l’on subit des pressions et des répressions. On nous a enlevé Adama, désormais, c’est Bagui qu’on veut nous enlever ». « Dans le climat actuel, ce n’est vraiment pas malin de la part de l’Etat de s’en prendre à une famille déjà en grande souffrance et qui veut simplement comprendre ce qui s’est passé, commente une jeune femme de 24 ans, venue de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Comme s’il était devenu impossible de se révolter et de faire éclater la vérité… ».

«’Convergence des luttes’»

Un rassemblement « symbolique », aussi par la présence et la prise de parole de Geneviève Bernanos, la mère d’Antonin, 22 ans, poursuivi pour « tentative d’homicide volontaire » dans l’affaire de la voiture de police incendiée quai de Valmy, le 18 mai 2016, à Paris, en marge d’une manifestation des forces de l’ordre contre la « haine anti-flic ». Le jeune homme est incarcéré depuis neuf mois à la prison de Fleury-Mérogis. « Ce qui arrive à la famille Traoré, et particulièrement à Bagui, ressemble à ce qui arrive à nos enfants [leur fils Angel, 19 ans, avait lui aussi été incarcéré avant d’être libéré], explique Geneviève Bernanos. L’Etat criminalise tous ces jeunes qui veulent manifester contre lui ». « L’un des moyens est de les accabler et de les isoler », renchérit Yves Bernanos, le père.

« Nous voulons faire un pont entre nous et les Traoré, poursuit sa femme. Nous, les blancs issus de quartiers favorisés, les bobos du 14ème arrondissement de Paris, nous sommes solidaires des Traoré. Certains appellent cela la’convergence des luttes’»., Après avoir parlé une vingtaine de minutes, Assa Traoré a conclu : « La mauvaise France, on la fera plier si tout le monde se lève, les quartiers comme la ville, si la population, coupée en deux, arrive à se rassembler ». Puis, elle a tendu le mégaphone à Geneviève Bernanos. Dans la foule, Linda, 26 ans, assistante de formation, un peu surprise par cette invitée inattendue, a applaudi : « Cette initiative est bonne mais elle doit se répéter. Ce combat doit unir les classes et non les diviser ».