François Fillon, le 4 mars 2017, à Aubervilliers. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Ce devait être, à l’origine, un grand meeting de présentation du programme présidentiel de François Fillon. Mais vu les difficultés rencontrées par ce candidat affaibli à l’extrême, la réunion publique organisée samedi 4 mars aux Docks de Paris, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), s’est transformée en une opération de remobilisation des troupes et de combat rhétorique, où les militants fillonistes ont été appelés à « ne pas lâcher ». Lesquels ne se sont pas déplacés en masse. Alors que l’équipe de M. Fillon attendait près de 3 000 personnes, le tiers semblait être finalement présent – une grande partie de la salle étant restée vide.

Le détail des réformes et de son plan de « redressement » du pays ? Pas l’urgence, selon M. Fillon, au moment où il subit de multiples défections et des pressions pour qu’il cède sa place à Alain Juppé. « Mes amis, vous connaissez les grandes lignes de mon programme. Je ne suis pas là pour entrer dans le détail », a-t-il prévenu d’emblée, en introduction de son discours de près d’une heure. Plutôt que de se perdre dans les détails de son projet au moment où sa propre maison brûle, l’ex-premier ministre a préféré « parler de sa force directrice ». Autrement dit des grandes valeurs de son logiciel, comme « l’école, la famille, l’autorité de l’Etat, la laïcité ». Et surtout « la liberté », qu’il a érigée comme la ligne directrice de sa démarche, en y associant sa volonté de sortir des 35 heures ou de baisser massivement les charges des entreprises.

Pour prendre de la hauteur au moment où il est visé par une procédure judiciaire, il a cité « Jeanne d’Arc, Emile Zola, Victor Hugo, Jean Moulin et tous nos héros inconnus de la France libre et résistante ». Une référence pas anodine pour celui qui a appelé vendredi soir ses partisans à « résister » et à venir « très nombreux » à son rassemblement dimanche au Trocadéro, où il espère jouer son va-tout.

« N’abdiquez pas, ne renoncez jamais ! »

Samedi après-midi, M. Fillon a de nouveau tenté de susciter un réflexe de solidarité des militants à son égard, en se présentant comme la cible d’un complot visant à l’abattre. « On veut vous intimider. On s’attaque à moi. Mais, à travers moi, ce qu’on cherche à abattre, c’est le redressement national et c’est une volonté de changement dont vous êtes chacune et chacun les porteurs », a-t-il prétendu. Avant de lancer à l’intention des centaines de représentants de la société civile, qui alimentent son projet depuis quatre ans : « N’abdiquez pas, ne renoncez jamais. Votre engagement doit se poursuivre. Toute cette force que vous avez rassemblée ne doit pas s’arrêter ! » A l’entendre, les attaques dont il est l’objet seraient l’expression des « conservatismes » et des « corporatismes », « qui ont intérêt à ce que rien ne change ».

Même si beaucoup jugent sa position intenable, le candidat n’entend toujours pas renoncer. « François Fillon est toujours très déterminé et résolu pour des raisons politiques : il considère que c’est lui qui porte la légitimité de la primaire et qu’aucun candidat ne peut s’engager à sa place avec ce capital. Et il pense être le mieux placé pour mettre en œuvre son projet », explique Vincent Chriqui, son nouveau directeur de campagne, qui remplacera le démissionnaire Patrick Stefanini à partir de lundi matin. « François Fillon est soucieux de la victoire de son camp et de son projet. Tant qu’il pense être le mieux placé, il tiendra », affirme son entourage. Pas question de laisser la place à Alain Juppé. Son entourage tente d’habiller ce refus par son prétendu sens des responsabilités : « Son souci, c’est que s’il retire pour Juppé, cela risque de mettre le FN au pouvoir car les électeurs de droite ne veulent pas de Juppé. »

Avant son discours, ses derniers fidèles lui ont manifesté un soutien sans faille, en validant la posture jouée par M. Fillon depuis plusieurs jours : le peuple face aux élus. « On a connu quelques défections, a regretté Pierre Danon, responsable des comités thématiques de la société civile avec M. Fillon. Avant de lancer : « Si les élus ne sont pas là pour faire campagne, eh bien, on la fait nous même ! » Ovation de la salle. Mais la « star » des irréductibles fillonistes reste le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau.

Fidèle parmi les fidèles et dernier poids lourd aux côtés du candidat depuis la prise de distance de Gérard Larcher et Bernard Accoyer, M. Retailleau a tenu un discours visant à présenter M. Fillon comme un candidat antisystème, qu’on voudrait « abattre ». Un soit-disant représentant du peuple face aux élites – « François n’a jamais été le candidat de la société politico-médiatique » – qui ne cadre pas vraiment avec le parcours de l’ex-premier ministre. Mais l’urgence est à la remobilisation. Alors M. Retailleau a tenté d’accréditer l’idée d’un complot visant son champion. « C’est un lynchage, un acharnement, qui n’a aucun précédent dans l’histoire de la Ve République, la lapidation médiatique est quotidienne », a dénoncé l’ancien bras-droit de Philippe de Villiers, en appelant « la France silencieuse qui n’accepte pas les petites manœuvres et les arrangements » à se rendre en masse place du Trocadéro, dimanche.

« La place du Trocadéro sera noire de monde »

Ce rassemblement aura valeur de test sur la capacité de M. Fillon à tenir. Son équipe espère réunir au moins 50 000 personnes pour juger l’opération réussie et permettre au candidat de tenir. Bruno Retailleau a défini l’enjeu dans Le Monde daté du 5 mars : « La place du Trocadéro sera noire de monde. Si ce n’est pas le cas, ce sera fini. »

Prudent, l’entourage du candidat a rectifié samedi, en affirmant qu’une faible affluence ou des violences lors de cette manifestation, ne serait pas un critère déterminant. « Son seul critère, c’est : peut-il faire gagner son camp ? » En dehors de ce discours inflexible, un autre proche du candidat nuance : « François Fillon est lucide sur ce qu’il se passe et reconnaît qu’il y a des difficultés. Après le rassemblement de dimanche soir, il y aura besoin de créer une dynamique et de rassembler notre famille politique. »

Mais les ténors de la droite ne lui laisseront peut-être pas le choix : le parti Les Républicains (LR) a annoncé la convocation de son comité politique lundi, vingt-quatre heures en avance, « pour évaluer la situation ».

Dans un communiqué publié en plein milieu du discours de François Fillon, LR a précisé que ce comité avait été convoqué par Bernard Accoyer, secrétaire général du parti, et Gérard Larcher, président du comité politique. Ces deux très proches de l’ancien premier ministre ont pris du champ avec ce dernier et sont à la manœuvre depuis plusieurs jours pour trouver une solution en cas de retrait. MM. Larcher et Accoyer ont notamment rencontré Nicolas Sarkozy vendredi matin. Reste à savoir si M. Fillon sera – ou non – poussé vers la sortie à l’issue de cette réunion sous haute tension.