Il aura fallu un arbitrage de Matignon pour tenter de sortir de la crise née de la réforme ratée des escortes de détenus. Le ministère de la justice et celui de l’intérieur ont annoncé, vendredi 3 mars, un mini Yalta dans la répartition des missions d’accompagnement des détenus entre leur lieu de détention et le tribunal, pour un procès ou une audition par un juge.

Décidée en 2010, la reprise par l’administration pénitentiaire des extractions judiciaires afin que la police et la gendarmerie se consacrent à leurs autres missions avait été d’emblée sous-calibrée en termes de besoins en personnel et surtout mal pilotée. Le résultat a été une pagaille sans nom : 21 % des extractions de détenu demandées par la justice en 2016 n’ont pas pu être réalisées. Ce qui a provoqué des remises en liberté automatiques de certains prévenus et de nombreux reports de procédures. Et ce, alors que moins de la moitié de la population carcérale avait basculé dans le nouveau dispositif.

Une nouvelle pause dans le transfert de ces missions a donc été décidée avec le report de six mois du basculement prévu en mai pour les établissements pénitentiaires des anciennes régions administratives Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon. Tout le calendrier de la réforme est décalé jusqu’à novembre 2019.

Surtout, la Place Beauvau, qui espérait pouvoir se débarrasser définitivement de cette charge, devra continuer à assurer les extractions judiciaires pour 21 des 180 établissements pénitentiaires de l’Hexagone. Il s’agit de prisons éloignées de la base des équipes régionales de surveillants chargées de ces transferts.

Une grille de critères sera élaborée

En parallèle, toute l’organisation de la pénitentiaire est remise à plat avec la nomination d’un directeur de projet directement rattaché au secrétaire général du ministère de la justice. Les emplacements des équipes régionales, parfois trop éloignées des lieux de détention ou des juridictions concernées, vont être revus. Et afin de réduire les besoins en personnel, les escortes seront composées, sauf pour les détenus dangereux, de deux surveillants armés. Alors que la police et la gendarmerie effectuaient ces opérations à deux agents, les équipes pénitentiaires ont pris l’habitude de faire plus de 90 % de ces transferts à trois ou quatre.

Une bonne part des recommandations du rapport alarmant remis en octobre 2016 au gouvernement par l’inspection générale sont reprises aujourd’hui par le ministère de la justice. Cela s’inscrit dans la création des équipes de sécurité pénitentiaire dans lesquelles seront fondus les pôles de rattachement des extractions judiciaire. Ces pôles ont symbolisé le fiasco qui a empêché par exemple de réaliser en 2016 quatre extractions judiciaires sur dix en Bretagne, région où le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, briguera en juin un nouveau mandat de député.

Il n’est pas sûr pour autant que les difficultés disparaissent. Il est ainsi officiellement prévu de pouvoir continuer de solliciter la police ou la gendarmerie lorsqu’une « impossibilité de faire » sera opposée à une demande d’extraction d’un détenu par un magistrat. Mais une concertation est organisée entre les administrations au plus haut niveau pour mieux gérer ces appels au secours qui ont passablement agacé les personnels. Une grille de critères sera élaborée pour distinguer les mouvements de détenus qui ne peuvent être retardés au risque de compromettre une procédure judiciaire.

Autre recette avancée, le développement de la visioconférence afin de pouvoir tenir à distance une audience avec un magistrat. Jusqu’ici, cette solution alternative a été extrêmement peu prisée tant par les juges que par les détenus.