Dans les locaux de ResearchGate à Berlin. | Research Gate

On n’y trouve pas de vidéos de chats, on n’y aligne pas les émoticônes, pourtant ResearchGate est souvent qualifié de « Facebook des scientifiques ». Fondé en 2008 par trois Allemands, deux diplômés en médecine et un informaticien, ce réseau social revendique, à ce jour, plus de 12 millions d’utilisateurs. L’entreprise a annoncé, mardi 28 février, une levée de fonds de 52,6 millions de dollars (49,8 millions d’euros) réalisée en novembre 2015 – que le droit allemand l’oblige désormais à rendre publique.

Le projet est né à Boston quand Ijad Madisch, qui travaille alors dans un laboratoire de recherche, se heurte, dans ses travaux, à un manque d’informations en ligne : « Sur Internet, on trouve seulement des articles sur les expériences réussies. Rien sur tous les échecs rencontrés, que d’autres vont donc répéter », souligne, par exemple, celui qui est aujourd’hui à la tête de la société. Lui vient alors l’idée de créer un réseau d’échanges de connaissances à destination des scientifiques, où ceux-ci peuvent partager leurs publications mais aussi mettre à disposition leurs données, évoquer l’avancée de leurs travaux ou solliciter directement l’aide de leurs confrères. Ce sera ResearchGate.

Lassitude

De 100 000 membres en 2009, le site réussit à faire grossir rapidement sa communauté : un million en 2011, puis cinq millions en 2014. Un succès qui permet à la société installée à Berlin de faire plusieurs levées de fonds. En 2013, Bill Gates s’associe au fonds Tenaya Capital pour mettre 35 millions de dollars dans la société. Quant aux derniers investisseurs, « ce sont eux qui [les] ont approchés, à l’époque [ils] dégageai [en] t déjà des revenus », soit 3,5 millions sur l’année 2015. Le nouveau tour de table réunit notamment la fondation Wellcome Trust, Goldman Sachs Investment Partners, Four Rivers Group, mais aussi l’acteur Ashton Kutcher, le groupe Arnault, et l’homme d’affaires Xavier Niel (actionnaire à titre personnel du Monde).

Au fil du temps, le site a affiné son modèle économique. Si la consultation des contenus est gratuite et ouverte à tous, le site génère ses revenus grâce à deux canaux, la publicité et un service d’offre d’emplois. Dans les deux cas, le site capitalise sur une audience dont les centres d’intérêts professionnels et les compétences sont identifiés de façon précise. Désormais, il regarde du côté des conférences scientifiques pour créer un troisième levier de croissance.

Même si son fondateur s’en défend, ResearchGate profite de la lassitude que provoque l’omnipotence des éditeurs scientifiques, lesquels pratiquent des prix jugés excessifs à l’égard des scientifiques et des laboratoires qui les abreuvent en contenus. C’est notamment ce qui motive Eric Gilli, géologue et utilisateur de longue date du site : « Progressivement, avec des sites comme celui-ci, on arrive à casser l’hégémonie des grands éditeurs. C’est une révolution qui est en cours, le développement d’une recherche en accès libre. »