Lors d’une manifestation, le 1er mai 2011, à Paris. | MIGUEL MEDINA / AFP

Qu’il s’agisse de la paie ou du déroulement de carrière, les femmes employées dans la fonction publique sont nettement moins bien traitées que leurs collègues masculins. Le phénomène, déjà révélé par plusieurs études éparses, est décortiqué avec minutie dans un rapport remis, mercredi 8 mars, à Bernard Cazeneuve. Rédigé par la députée (PS, Yvelines) Françoise Descamps-Crosnier, il formule cinquante-cinq préconisations pour réduire ces « inégalités », dont l’ampleur est à peine inférieure à celle prévalant dans le privé.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Les données sur les discriminations hommes-femmes dans la fonction publique sont abondantes mais disparates – rendant malaisées les comparaisons et les analyses sur une longue période. Elles permettent néanmoins d’aboutir à des constats éloquents : « L’écart global de rémunération » selon le sexe s’élève à 19 %, avec des variations importantes suivant les secteurs (6,6 % dans les hôpitaux contre près de 23 % s’agissant des personnels de l’Etat). Le fossé reste profond (jusqu’à quasi 20 % dans certains cas), même en retirant « le facteur » durée du travail – les temps partiels, notamment, qui concernent davantage les femmes que les hommes.

Résultat : le « manque-à-gagner » est substantiel pour une femme, arrivée à l’âge de 50 ans ; il se monte, en moyenne, à 11 400 euros bruts par an pour les emplois de la catégorie A (ceux dont le niveau de recrutement est le plus élevé) et à 4 000 euros, pour les postes de la catégorie C (agents d’exécution).

« Effet réseaux »

Une telle situation s’explique par de « multiples » raisons. Bien qu’elles soient « plus souvent diplômées de l’enseignement supérieur », les femmes n’intègrent pas « les filières les plus rémunératrices ». En outre, certaines professions, très féminisées, sont dévalorisées, par exemple les auxiliaires de puériculture et les agentes techniques spécialisées des écoles maternelles (ATSEM), qui « n’offrent aucune possibilité de promotion interne ».

De même, « l’avancement » des agentes dépend largement de leur ancienneté ; or, celle-ci est ralentie par les congés parentaux, qui sont pris presque systématiquement par les femmes. Du coup, elles sont promues « plus tardivement ». Elles ont, de surcroît, « une possibilité moindre » d’effectuer des heures supplémentaires car elles s’occupent davantage de leur vie familiale.

Certaines règles et pratiques jouent aussi en leur défaveur. Ainsi, « les modes de management » propres à la fonction publique contribuent à aggraver le problème : « culture de la “présence” au travail » dans certains milieux (administration centrale, grandes collectivités), qui pénalise les femmes dès l’instant où elles ont des enfants ; « effet réseaux » dans une haute fonction publique très masculine qui permet aux hommes « d’accélérer » leur carrière ; « opacité des appréciations et évaluations »

D’autres facteurs, valables pour l’ensemble du corps social, interviennent également. Outre « l’inégal investissement dans la vie familiale », déjà mentionné, les « stéréotypes » exercent un rôle puissant sur les différences de rémunération, même si celui-ci s’avère « difficilement quantifiable ». L’un des témoignages d’agents recueillis dans le cadre de la mission de Mme Descamps-Crosnier le démontre : « Ayant siégé de nombreuses années en commission administrative paritaire interne dans ma collectivité, j’ai entendu de nombreuses réflexions sexistes, afin de justifier plutôt des avancements masculins. [Des remarques du type] “une telle est jeune, elle va bientôt être enceinte, il ne faut pas la mettre à la tête d’un service.” »

« Aller plus loin »

Les pouvoirs publics se sont certes mobilisés depuis quelques années. La loi Sauvadet de mars 2012 promeut le mécanisme des « nominations équilibrées » sur des postes haut placés : il fixe des pourcentages de désignations réservées aux femmes « afin d’équilibrer la composition de la haute fonction publique ». Grâce à cette disposition, l’encadrement dirigeant s’est « considérablement » féminisé en quatre ans. Mais les objectifs fixés pour 2016 et au-delà pourraient être plus difficile à atteindre, d’après le rapport, qui déplore, par ailleurs que plusieurs corps (Cour des comptes, inspections générales...) et les établissements publics ne soient pas soumis à cette règle.

Autre illustration du volontarisme, récent, des employeurs publics : le protocole d’accord « relatif à l’égalité professionnelle » signé en mars 2013. Il contient une quinzaine de mesures, parmi lesquelles l’élaboration de « rapports de situations comparées ». Mais ces derniers « ne sont pas tous parus » et la campagne de communication sur la lutte contre les discriminations hommes-femmes « a été très discrète ».

Il convient d’« aller plus loin », insiste Mme Descamps-Crosnier : au-delà des « mesures de correction », la question de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes doit devenir « un élément constitutif de notre système de fonction publique ».