NxxxxxS. | Synthetic Corporation

« Je pars en tournée en Asie le mois prochain », annonce NxxxxxS (prononcer N five XS) d’une voix enjouée. Et ce n’est pas la première fois que le producteur de 22 ans, qui ne veut pas dire son vrai nom ni montrer son visage, met le cap vers l’Est. Il y un an, il avait été invité en Chine, pour quatre concerts. Une histoire assez improbable. « Là-bas ils n’ont pas Soundcloud, Google, ou Facebook, dit le jeune Parisien, une main dans la poche de son jean troué, assorti à un sweat à capuche noir. Mais ils ont des sites équivalents. Quelqu’un a récupéré mes sons, avant de les uploader [télécharger] sur le Soundcloud chinois. Du coup, mes morceaux sont assez connus là-bas. Des Coréens qui habitent en Chine m’ont découvert, et ils m’ont programmé ».

NxxxxxS - Weather 4 0 0 0 (Music Video)
Durée : 04:23

En mars, il s’envolera avec Ta-Ha, l’une des étoiles montantes du R’n’B français, avec qui il a collaboré à plusieurs reprises. Pour leur morceau Lil Bit, il avait plongé aux tréfonds de l’Internet pour dénicher une boucle mélancolique, qui l’enveloppe d’un bout à l’autre. « J’avais trouvé ce sample sur un site qui ressemble à ceux des années 2000, où se trouvaient des archives de bandes-son qui passaient dans les chaînes de météo américaines des années 1980-90. Je n’ai pas repris le son original, mais celui qui est sorti avec la basse qualité du VHS. C’est ce qui le rend intéressant ». Au point que le rappeur espagnol Pimp Flaco lui a ensuite repris ce sample, en y ajoutant une ligne de batterie pour son morceau Porfi, qui a dépassé le million de vues sur Youtube.

Des répliques de films d’horreur

« Je l’ai appris en lisant les commentaires sous la vidéo de Lil Bit, raconte NxxxxxS. Certains étaient écrits en espagnol et disaient : ‘Vous avez volé l’instru de machin !’ (Rires). Alors que c’est le contraire ! ». Pimp Flaco n’avait pas pris la peine de le prévenir, mais le jeune producteur n’éprouve aucune colère. « C’est Internet. Moi aussi j’ai pris ce sample sans rien demander à personne. Ça ne peut pas fonctionner dans un seul sens. »

NxxxxxS a collaboré avec d’autres jeunes artistes comme les rappeurs Retro X, Hooliganradguitar5, ou encore les chanteuses de Girls Do It Better. Ils ont été séduits par ses beats, fluctuant entre sonorités trap, agressives, et mélodies planantes inspirées par la « vaporwave », un genre de musique électronique né au début de la décennie, empreint d’un vague sentiment de nostalgie. Amateur de cinéma, NxxxxxS aime aussi saupoudrer ses morceaux de quelques répliques, souvent tirées de films d’horreur des années 1990.

« Merci la mif »

Le producteur a aussi contacté le groupe de rap PNL, dont le style éthéré, qualifié de « cloudrap », n’est pas très éloigné du sien. «Je leur ai envoyé des sons par mail, et ils m’ont répondu : “Merci la mif , mais on ne les a pas gardés”, rapporte l’artiste d’un air amusé. »

De toute façon, il souhaite davantage se consacrer à sa carrière solo de producteur. « En tant que beatmaker, tu travailles pour quelqu’un d’autre, en un sens, explique-t- il. Quand quelqu’un utilise ton instru, ce n’est plus ton son à toi, c’est celui de l’artiste qui a rappé, ou de la chanteuse. »

PIMP FLACO ( PORFI
Durée : 03:17

NxxxxxS a déjà sorti quatre albums et deux EPs dont l’enivrant Fujita Scale (2014), composés en parallèle d’études d’ingénieur du son. Sortis de manière indépendante ou avec de petits labels, ils sont tous disponibles gratuitement à l’écoute sur Youtube ou Bandcamp.

Comme de nombreux artistes musicaux contemporains, il gagne peu d’argent avec ses morceaux, mais ils lui permettent d’atteindre la notoriété nécessaire pour être invité à mixer, et toucher des cachets.

Le producteur travaille actuellement sur un cinquième album, prévu pour avril, qu’il peaufine : « Je veux prendre le temps d’être entièrement satisfait. Sur les trente morceaux que j’ai composés ces six derniers mois, je n’en garderai que cinq ». Les autres finiront au fin fond d’un disque dur, ou bien sur son deuxième compte Soundcloud, NxxxxxS3, qui fait office de Salon des refusés.

Maxime Retailleau