Editorial du « Monde ». Cette fois-ci, Donald Trump va devoir prendre de vraies décisions de politique étrangère, au-delà d’un Tweet. La tension dans la péninsule coréenne atteint depuis quelques jours la cote d’alerte pour Pékin et Washington.

Lundi 6 mars, la Corée du Nord a procédé au tir de quatre missiles balistiques vers la mer du Japon, en violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce ne sont pas les premiers tirs de ce type. Ils illustrent la stratégie de Kim Jong-un, le dictateur de Pyongyang, qui est devenue évidente au cours de l’année écoulée : intensifier les essais de missiles nucléaires afin de placer la communauté internationale devant le fait accompli – l’arsenal dont il dispose. La dernière batterie de tests vise en particulier, selon les experts occidentaux, à montrer que la Corée du Nord a la capacité de procéder à des salves de tirs dans des délais rapides.

Les Etats-Unis, principaux alliés de Séoul, ont réagi en accélérant le déploiement, dans la nuit de lundi à mardi, du système de défense antimissile Thaad (Terminal High Altitude Area Defense) en Corée du Sud. Ce déploiement a provoqué de vives mises en garde des autorités chinoises contre une course aux armements qui risque de modifier l’équilibre stratégique dans la région ; la Chine semble d’ailleurs plus préoccupée par les desseins américains en Asie orientale que par le danger posé par l’activisme militaire et nucléaire de Kim Jong-un.

La savante ambiguïté de la Chine

Parallèlement, le conflit ouvert entre la Malaisie et la Corée du Nord par l’assassinat à Kuala Lumpur de Kim Jong-nam, le demi-frère du dictateur, s’envenime. Après l’expulsion par la Malaisie de l’ambassadeur nord-coréen, Pyongyang a décidé d’interdire aux ressortissants malaisiens de quitter la Corée du Nord. Cet assassinat, réalisé à l’aide d’agents neurologiques toxiques, a augmenté les craintes de voir le régime nord-coréen amasser des stocks d’armes chimiques en plus de son arsenal nucléaire.

Cette brutale montée de fièvre dans une région potentiellement explosive en raison de l’irrationalité du régime de Pyongyang arrive probablement plus tôt qu’on ne l’aurait souhaité à Washington. Les équipes diplomatiques et de sécurité de l’administration Trump ne sont pas encore au complet et le moins qu’on puisse dire est que les lignes de politique étrangère du nouveau président n’ont pas été clairement définies. De son côté, la Chine a depuis longtemps maintenu une savante ambiguïté sur ses relations avec Pyongyang, dont elle condamne régulièrement les agissements sans pour autant prendre les mesures susceptibles d’influer sur ces agissements.

Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies était prévue mercredi à New York. Mais c’est à deux de ses cinq membres permanents, Washington et Pékin, qu’il revient d’agir en priorité et de faire preuve de responsabilité dans cette crise. Le moment est venu pour eux d’utiliser tous les leviers à leur disposition dans la région pour faire baisser la tension.

A Pékin de sortir de l’ambiguïté et de se concentrer sur la source du problème, qui se trouve à Pyongyang. La Chine a là l’occasion de montrer que, puissance économique, elle peut aussi être une puissance diplomatique qui agit. Au président Trump de faire preuve de responsabilité et d’initiative, de concert avec ses alliés japonais et sud-coréen. Le temps est venu, pour lui, de se comporter en président des Etats-Unis.