Le président de la chambre des représentants, le républicain Paul Ryan, présente le projet de loi sur la santé destiné à remplacer l’Obamacare lors d’une conférence de presse à Washington, mardi 7 mars. | CHIP SOMODEVILLA / AFP

Trop généreux pour les uns, trop sévère pour les autres. A peine annoncé par le Parti républicain, lundi 6 mars, le plan destiné à remplacer le système de santé mis en place par Barack Obama a suscité une volée de critiques. Celles des démocrates n’ont surpris personne. La charge venue des rangs de la majorité laisse en revanche présager de longs et douloureux débats au sein du Grand Old Party.

Dans ce contexte, l’adoption de cette loi emblématique de la nouvelle administration pourrait bien constituer la première épreuve politique d’envergure pour Donald Trump, qui, tout au long de sa campagne, a brandi cette réforme comme la priorité des priorités, transformant en slogan sa promesse d’« abroger et remplacer l’Obamacare ».

Semblant anticiper la difficulté, le président avait lancé cet inquiétant cri du cœur, le 27 février, devant des gouverneurs : « Personne ne savait que le système de santé pouvait être aussi compliqué ! » Lors de son discours devant le Congrès le lendemain, Donald Trump avait appelé de ses vœux des réformes qui « étendront le choix, donneront un meilleur accès [aux soins] et réduiront les coûts ». Une gageure.

Mardi, il s’est félicité sur Twitter de la présentation de cette loi « merveilleuse », ajoutant toutefois qu’elle était ouverte aux « négociations ». Son vice-président, Mike Pence, a renchéri, assurant que le texte constituait « un cadre pour la réforme » et que l’administration était « certainement ouverte à toute amélioration ».

« Un pas dans la mauvaise direction »

Ces précautions de langage n’auront sans doute pas satisfait Paul Ryan, le président de la chambre des représentants, porteur du projet de loi et convaincu de disposer d’une majorité pour le faire adopter. « Le cauchemar de l’Obamacare est sur le point de se terminer », a-t-il assuré mardi, semblant minimiser les profondes divisions de son parti sur le texte.

Malmenés à ce sujet lors des réunions publiques qu’ils ont récemment tenues dans leurs districts, les élus républicains demeurent partagés entre jusqu’au-boutistes souhaitant abroger toutes les dispositions de cette loi sur la protection des patients et les soins abordables votée par les démocrates en 2010, et ceux préférant en conserver certains des éléments les plus protecteurs. Le plan présenté lundi oscille entre ces deux visions, ce qui laisse planer le doute sur son adoption rapide.

Les plus conservateurs, qui l’ont déjà qualifié d’« Obamacare allégé », estiment que la part des financements publics pour aider les Américains à souscrire une couverture santé abordable y est encore trop importante. L’un des porte-voix de ces élus mécontents, le sénateur de l’Utah, Mike Lee, a indiqué dès mardi : « Ce n’est pas l’abrogation que nous attendions. C’est une occasion ratée, un pas dans la mauvaise direction. » Ces critiques ont reçu un écho du côté des groupes de pression conservateurs et notamment l’organisation des milliardaires Charles et David Koch, Americans for prosperity.

De l’autre côté du spectre républicain, des élus modérés s’inquiètent de devoir annoncer à leurs électeurs la disparition de certains aspects de leur couverture santé, notamment le système subventionné Medicaid, qui assure les plus démunis depuis les années 1960 et que la réforme d’Obama a significativement élargi. Mercredi, des associations importantes représentant des médecins, des infirmières, des hôpitaux, des compagnies d’assurances et des seniors se sont inquiétées des effets de la réforme sur la couverture des populations les plus fragiles.

La crédibilité de Trump dans la balance

D’ores et déjà, plusieurs élus républicains se sont désolidarisés du texte. Au Sénat, son adoption en l’état semble impossible. A la Chambre des représentants, il suffirait qu’une vingtaine d’autres rejoignent la fronde pour mettre le projet en danger. Encalminé dans les polémiques à répétition et les débuts chaotiques de son mandat, M. Trump a pourtant le plus grand besoin d’un succès politique sur ce sujet. Il en va de sa crédibilité et de sa capacité à tenir ses promesses et « à faire le job », comme il le dit lui-même. Face à l’enjeu, il a rencontré mercredi les représentants de plusieurs groupes conservateurs sceptiques sur le projet de loi.

Mais l’inquiétude est renforcée côté républicain par le fait que ces dissensions de fond apparaissent alors même que les effets concrets du plan n’ont pas encore été évalués, qu’il s’agisse de la part des Américains directement affectés par la nouvelle loi, des économies potentielles pour les finances publiques ou des gains fiscaux pour les classes aisées et les compagnies d’assurances. Elles devraient se révéler au fil de discussions que les instances du Parti républicain souhaitent rapides mais qui pourraient bien durer un peu plus longtemps que prévu.