Gabriel Nadeau-Dubois durant un point de presse lors de la manifestation du 22 juin 2012 à Québec. | Letartean CC

La nouvelle est tombée, jeudi 9 mars, mettant ainsi fin à un faux suspens : Gabriel Nadeau-Dubois se lance en politique sous la bannière du parti Québec solidaire (QS).

Agé de 26 ans, le Montréalais s’est fait connaître des Québécois en 2012 lors des plus importantes grèves étudiantes que la province canadienne n’a jamais connues. Un « printemps érable » qui a fait descendre des milliers d’étudiants dans les rues et qui vaudra au militant étudiant de se faire connaître sur la scène internationale et d’être approché par les partis politiques.

Alors porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (Classe), la mouvance la plus radicale à l’origine des grèves, le jeune homme, qui étudie en histoire, ne laisse personne indifférent, s’attirant l’admiration des uns et les injures des autres. Admiré pour son sens de la repartie, son charisme et sa vision politique et sociale, il est vivement critiqué lorsqu’il refuse de dénoncer le vandalisme et la violence qui ont lieu lors de manifestations étudiantes. Des positions qui lui valent d’être comparé au Daniel Cohn-Bendit de mai 1968 ou, au contraire, d’être caricaturé en Oussama Ben Laden ou en bolchevique. Il sera même obligé de s’entourer de gardes du corps.

Gratuité scolaire pour les études supérieures

Si le jeune homme fait de la gratuité scolaire pour les études supérieures son cheval de bataille, il s’attaque aussi au gouvernement libéral de l’époque de Jean Charest. Au point d’en devenir la bête noire. Mais il démissionne finalement de son poste de porte-parole en août 2012, désireux de laisser sa place à de nouvelles têtes, mais déçu que les Québécois n’aient pas déjà congédié leur premier ministre – Jean Charest et les libéraux perdront les élections quelques semaines plus tard.

Son combat d’aujourd’hui, lui, s’inscrit à gauche et pour l’indépendance du Québec. « Je suis de gauche, je suis indépendantiste et il est temps de mettre fin au blocage politique du Québec », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse jeudi à Montréal. Une revendication qui s’inscrit parfaitement dans la ligne politique de son parti d’adoption, Québec solidaire.

Ce fils de parents syndicalistes – ce qui lui fait dire qu’il est littéralement « l’enfant d’une grève » – se porte candidat pour devenir député dans la circonscription de Gouin, près de Montréal. Il espère ainsi remplacer Françoise David, une des figures de QS, qui s’est retiré de la politique le 19 janvier pour des problèmes de santé. Mme David, fondatrice du parti, avait elle-même appelé l’ancien leader étudiant à joindre les rangs de QS. Le parti doit désigner son candidat dans cette circonscription le 26 mars et si M. Nadeau-Dubois est choisi par sa nouvelle famille, il devrait facilement remporter l’élection en juin. Le Parti québécois a en effet renoncé à y présenter un candidat et les libéraux n’ont que très peu de chances. En plus de briguer ce mandat de député à l’Assemblée nationale du Québec, Gabriel Nadeau-Dubois s’est aussi déclaré candidat pour devenir l’un des deux porte-parole de QS.

L’apprenti politicien a saisi l’occasion de sa déclaration pour proposer ses idées pour le parti. Il veut recruter de nouveaux militants parmi les jeunes de sa génération, former « la plus solide équipe de candidats de l’histoire du parti » pour les élections de 2018, mais aussi « tendre la main à tous les indépendantistes sérieux, dont Option nationale », rejetant ainsi implicitement toute alliance avec le Parti québécois, le premier parti d’opposition à l’Assemblée du Québec et historiquement le parti de l’indépendance.

Le Prix du gouverneur général pour le jeune auteur

Lorsqu’il était encore militant étudiant, Gabriel Nadeau-Dubois n’envisageait pas de se lancer en politique. Après « une longue hésitation », il a finalement franchi le pas. Mais entre 2012 et aujourd’hui, il n’a pas pour autant été absent de la scène médiatique. Après un rapide passage comme agent de recherche au syndicat CSN-construction, M. Nadeau Dubois devient, à partir d’août 2013, chroniqueur à l’émission « C’est pas trop tôt ! » sur les ondes de Radio Canada. Une tribune à laquelle il a renoncé à l’automne avec le début de la tournée « Faut qu’on se parle ».

Accompagné d’un groupe de militants de gauche moins connus (parmi lesquels se trouve Jean-Martin Aussant, un économiste et ancien chef d’Option nationale), il part à la rencontre des Québécois. A travers plusieurs assemblées publiques mais aussi en plus petit groupe dans les cuisines des gens désireux de prendre part au débat, il rencontre plusieurs centaines de personnes avec lesquels ils parlent de l’avenir de la province. De cette tournée, le groupe en tire un livre Ne renonçons à rien (Lux éditeur, 224 pages), sorti en février.

Ce livre n’est pas une première pour lui : en 2013, il s’était fait connaître pour Tenir tête, un essai sur les grèves de 2012 et sur sa propre expérience de leader syndicaliste. Ouvrage pour lequel il reçoit d’ailleurs le Prix du gouverneur général. Le jeune auteur accepte la récompense et les 25 000 dollars canadiens (17 500 euros) qui vont avec, mais fait don de cette somme à la lutte contre la construction de l’oléoduc Energie Est de Trans Canada. Au total, il parvient à lever grâce à une campagne de crowdfunding 400 000 dollars.

L’étudiant en licence d’histoire lors des manifestations de 2012 poursuit ses études pour finalement obtenir en juin 2016 une maîtrise de sociologie à l’Université du Québec, à Montréal.