L’application du Secours catholique pour lutter contre les préjugés. | RICHARD DUCLOS

Chasser les préjugés sur la pauvreté comme on chasse les Pokémon, c’est le défi que s’est lancé le Secours catholique. L’association du réseau Caritas a donné jeudi 9 mars le coup d’envoi d’une campagne de sensibilisation 2.0. Le but, lutter contre les idées reçues, parfois nombreuses, à l’encontre des plus démunis.

« Par exemple, l’idée que les chômeurs ne veulent pas travailler, que notre système de protection sociale favorise l’assistanat, ou qu’on vit très bien avec le RSA », explique Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique.

Pour cela, l’association a mis en place La Chasse aux préjugés, une application mobile – à télécharger – en réalité augmentée inspirée du jeu Pokémon Go, le jeu à succès lancé par Nintendo. Le principe est simple : grâce à la géolocalisation, des préjugés représentés par des monstres apparaissent autour du joueur, avec une phrase comme « Les chômeurs sont des glandeurs ». Il faut alors gommer avec son doigt le préjugé, pour faire apparaître un texte explicatif le déconstruisant.

S’ajoutent à cela deux bus aux couleurs du Secours catholique, qui vont sillonner la France pendant deux mois, pour permettre des rencontres et des débats sur les préjugés. « Les préjugés sont un poison lent pour les plus pauvres, déclare M. Thibaud. Ils sapent leur confiance et les empêchent de se relever. Au niveau collectif, ils entravent la cohésion sociale. »

« Contradictions »

Cette campagne vient en complément d’un sondage réalisé du 6 au 9 février par ViaVoice pour le Secours catholique, auprès d’un échantillon représentatif de 1 017 personnes, qui montre que les préjugés restent « vivaces ». Du côté des « enseignements positifs », 61 % des personnes interrogées trouvent que les préjugés sur les démunis sont trop nombreux. Mais cela n’empêche pas les préjugés en question.

Ainsi pour 20 % des sondés, la pauvreté en France est due à un « manque de volonté des gens pour s’en sortir ». Trois personnes sur dix (31 %) pensent que le système social favorise l’assistanat. Et pour plus de la moitié (54 %), il est possible de trouver un emploi « quand on le cherche vraiment ».

« Il y a des contradictions, note M. Thibaud. Les Français ont dans l’ensemble une bonne perception des causes de la pauvreté : ils citent des causes structurelles, comme le chômage ou le coût de la vie, et la plupart ne rejettent pas la faute sur les personnes elles-mêmes. Mais à côté de cela, ils citent comme priorité pour lutter contre la pauvreté la lutte contre la fraude sociale. Or, cette fraude, c’est 150 millions d’euros par an, à mettre en perspective avec les 5 milliards non distribués parce que les personnes ne réclament pas leurs aides. »

Le Secours catholique entend donc informer davantage la population. « Cette campagne, c’est une invitation à changer de regard, surtout à l’approche des élections », souligne Charles Le Gac de Lansalut, directeur de la délégation de Paris de l’organisation. L’initiative vise aussi à interpeller les candidats à la présidentielle eux-mêmes. « Ils ont une responsabilité particulière. Souvent, par calcul électoraliste ou par ignorance, les politiques entretiennent ces différents préjugés, avec des discours sur l’assistanat qu’encouragerait notre système », déplore M. Thibaud.

Huit sondés sur dix jugent que la pauvreté devrait être une grande cause nationale, et 72 % estiment qu’elle n’est pas assez évoquée dans le débat politique.