C’est la méritocratie à la sauce Fillon : les bons élèves sont récompensés, les rebelles sanctionnés. Après les nombreuses défections de la semaine dernière, le candidat de la droite a remanié son équipe de campagne, en tenant compte de l’attitude des uns et des autres au cœur de la tempête. Le nouvel organigramme, présenté jeudi 9 mars, fait la part belle aux sarkozystes qui lui ont maintenu leur soutien au moment où des dizaines d’élus – en particulier les partisans d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire – quittaient le navire. Trois fidèles de l’ancien chef d’Etat, présents le 5 mars au rassemblement de M. Fillon au Trocadéro, sont promus.

Parmi eux, François Baroin sera chargé du « rassemblement politique ». Même si les contours de sa nouvelle fonction restent flous, le signal politique, lui, se veut limpide : le maire de Troyes est appelé à jouer un rôle majeur dans la campagne de M. Fillon, extrêmement affaibli par les six semaines de polémiques autour des soupçons d’emplois fictifs de son épouse.

Ces dernières semaines, le chiraquien a manœuvré avec prudence. Il ne s’est jamais montré déloyal en public, tout en se positionnant en coulisses comme un éventuel recours pour le remplacer. Avant de finalement décider de « coller » au vainqueur de la primaire, autant pour bloquer la candidature d’Alain Juppé, qu’il exècre, que dans l’espoir d’obtenir Matignon en cas de victoire. Certains y verront de l’opportunisme, d’autres de l’habileté. L’entourage du candidat confirme l’idée d’un ticket entre les deux hommes.

Autre chiraquien et autre soutien de M. Sarkozy pendant la primaire, Christian Jacob est également promu. Le président du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale devient « coordinateur de la campagne » aux côtés du président du groupe LR du Sénat, le filloniste Bruno Retailleau. « Fillon s’appuie sur les deux présidents de groupe pour tenir les parlementaires », décrypte un poids lourd de la droite.

« La trahison doit se payer »

De son côté, Luc Chatel hérite de deux fonctions stratégiques, en devenant « président des comités de soutien » du candidat et surtout son porte-parole, à la place de Thierry Solère, l’organisateur de la primaire qui a démissionné de ses fonctions le 3 mars. Autre sarkozyste, Eric Ciotti devrait aussi être promu lors de la seconde vague de nominations, prévue la semaine prochaine. « On va lui trouver un bon poste car il a été très solide et très présent dans la tempête », explique un proche du candidat. Idem pour le député de l’Ain, Damien Abad, et le maire de Cannes, David Lisnard.

Rancunier, M. Fillon n’entend pas refaire une place à certains élus qui l’ont lâché. « Il y a une prime à la loyauté. Et à l’inverse, la trahison doit se payer », résume son entourage, en désignant Bruno Le Maire, Thierry Solère ou Christian Estrosi, comme définitivement « tricards ». « La crédibilité de Fillon est en jeu, avance un de ses proches. Il ne peut pas reprendre ceux qui l’ont trahi ! »

L’autre perdant devrait être Bernard Accoyer, qui pourrait être contraint de laisser son poste de secrétaire général du parti à Laurent Wauquiez. Ou au moins à partager son pouvoir avec lui. « Accoyer ne va pas garder seul les rênes de l’appareil, car sa loyauté a été friable pendant la tourmente et le parti n’est pas suffisamment en ordre de bataille », tranche un filloniste du premier cercle.

Les juppéistes, eux, n’auront pas une grande place dans cette escouade sous forte influence sarkozyste. Après le départ de la majorité d’entre eux, seul Jean-Pierre Raffarin doit être promu. Il devrait devenir le représentant du candidat pour les affaires européennes et internationales, en remplacement de M. Le Maire. Malgré les nombreuses défections, le camp Fillon positive en présentant la nouvelle équipe comme « un commando », composé de personnalités « totalement loyales et très motivées ». Elles auront la lourde charge de relancer une campagne bringuebalante à moins de six semaines du premier tour de la présidentielle, et alors que M. Fillon n’est désormais plus qualifié pour le second tour dans une série de sondages.

Présidentielle : Si Fillon est éliminé au premier tour, il faudra s’attendre « à une explosion du parti »
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