Le rapport de Reporters sans frontières sur la censure en ligne. | RSF

Géants du Net, entreprises vendant des logiciels de surveillance, gouvernements, Union européenne, Organisation des Nations unis : dans le rapport de Reporters sans frontières (RSF), publié le 12 mars à l’occasion de la Journée mondiale contre la cybercensure, tout le monde en prend pour son grade. Facebook, pour sa « collaboration active avec certains Etats, de la suppression de contenus journalistiques et pour sa politique opaque de “modération” des contenus » ; l’Europe, qui « semble avoir fait marche arrière » dans la lutte contre les vendeurs de logiciels d’espionnage et de censure ; et les éditeurs de ces derniers, les sociétés Hacking Team et NSO en tête.

En bref, c’est une responsabilité commune, des secteurs privés et publics, si la liberté d’expression est aujourd’hui menacée, estime RSF, c’est parce que gouvernement et entreprises ont « mis de côté les droits de l’Homme pour quelques parts de marché ». Le rapport évoque de multiples cas de censure en Turquie, en Thaïlande ou en Chine, mais aussi la mise sous surveillance de journalistes au Mexique.

Il souligne aussi une évolution structurelle de ces dernières années : le fait que « depuis les révélations d’Edward Snowden et la fin de l’hégémonie américaine dans la
gouvernance d’Internet, Les Ennemis d’Internet font pression afin d’obtenir un rôle croissant
dans la régulation des réseaux, notamment via les agences onusiennes, telles que l’Union
internationale des télécommunications (UIT), l’Unesco, et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) »
. Des organismes traditionnellement favorables à la défense de la liberté d’expression, mais qui font désormais face à des pressions accrues, note RSF.

Plus de transparence

L’organisation juge que les efforts des grandes entreprises du Net en la matière sont insuffisants. Certaines, dont Facebook, Google ou Twitter, publient depuis plusieurs années des « rapports de transparence » listant les demandes de suppression de contenus ou les demandes d’information sur leurs utilisateurs de la part de gouvernements. Mais RSF considère que ces « rapports » sont trop vagues, et leur demande de « systématiser et d’améliorer les rapports de transparence et de publier les requêtes judiciaires des gouvernements qui demandent de retirer des contenus ou des comptes d’utilisateurs ».

Plus généralement, l’organisation demande aux gouvernements d’inclure l’accès libre à Internet et la garantie des libertés numériques dans les droits fondamentaux, d’encadrer davantage les exportations de technologies de surveillance, et de sanctionner plus sévèrement les entreprises technologiques ayant collaboré avec des régimes dictatoriaux.

Plus original, RSF propose aussi que l’Union européenne considère « les mécanismes de surveillance d’Internet comme des mécanismes protectionnistes et des barrières aux échanges, et de les combattre comme tels ». Les réglementations sur la vente de ces technologies varient d’un pays à l’autre, même au sein de l’union européenne, alors que certaines entreprises du secteur, dont l’entreprise italienne Hacking Team, sont basées en Europe. Le libre-échange au secours de la liberté d’expression ?