Documentaire sur Public Sénat à 22 h 05

Nicolas Sarkozy entouré de Simone Veil, Alain Juppé et Enrico Macias, lors d’une réunion du Conseil représentatif des institutions juives de France, à Paris, en février 2011. | ERIC FEFERBERG/AFP

A quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les candidats ne s’affichent pas aux côtés d’artistes qui, d’habitude, remplissent leurs comités de soutien. Et pour cause. Peu de people se sont aujourd’hui ouvertement engagés, à la différence des précédents rendez-vous où se côtoyaient chanteurs, acteurs, écrivains ou créateurs de mode. Une très grande discrétion qui montre que les temps politiques ont changé et, surtout, que les artistes hésitent de plus en plus à s’exposer en compagnie d’un homme politique par crainte de retombées négatives pour leur carrière.

Ils ont tous en mémoire le contrecoup médiatique et populaire essuyé par les chanteurs Faudel, Enrico Macias et Didier Bar­belivien, engagés en 2007 dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Après son élection à l’Elysée, les trois artistes ont vu leurs ventes de disques s’écrouler et connu une mise au ban d’une grande partie du show-business.

Pourtant, depuis 1974 et l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, les artistes se sont souvent pliés à l’exercice. Inspiré par la campagne présidentielle de John F. Kennedy aux Etats-Unis, VGE avait réussi, cette année-là, à rassembler de nombreux artistes populaires comme Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Mireille Mathieu, Chantal Goya, Jean-Jacques Debout ou l’animatrice de télévision Danièle Gilbert. En 1981, c’est Jack Lang, futur ministre de la culture, qui apporta à François Mitterrand un plateau d’artistes de renom. Des artistes qui contribuèrent à son élection à l’Elysée, puis à sa réélection en 1988 avec, entre autres, ­Renaud qui demanda à « Tonton » de ne pas « laisser béton ».

Les saltimbanques détrônés par les réseaux sociaux

A travers de nombreux documents d’archives, témoignages et anecdotes, Yves Azeroual et Yves Derai explorent dans leur passionnant documentaire les relations parfois complexes entre les artistes et les politiques. De Jack Lang à Jean-Marie Le Pen, qui rappelle sa proximité avec le chanteur ­Mou­loudji, en passant par Jacques ­Attali expliquant que Coluche lui avait avoué secrètement sa décision de ne pas aller au bout de sa candidature présidentielle en 1981, les deux réalisateurs montrent l’évolution de la classe politique, qui préfère désormais confier son destin présidentiel aux communicants et aux réseaux sociaux plutôt qu’aux saltimbanques.

« Je n’ai jamais refusé de m’engager mais je me demande toujours si ça sert à quelque chose », dit le chanteur Maxime Le Forestier, qui s’est toujours affiché à gauche. Pour l’anecdote, il raconte qu’une fois, entraîné par son ami Didier Barbelivien, il avait accepté de se rendre au ministère de l’intérieur pour un déjeuner avec Nicolas Sarkozy, alors locataire des lieux. Etrange rencontre entre les deux hommes au cours de laquelle Maxime Le Forestier prit un malin plaisir à chanter sous les ors de ce ministère de la police et de l’ordre Hécatombe de Georges Brassens où la maréchaussée de Brive-la-Gaillarde se fait chasser du marché à grands coups de mamelles… « En général, les hommes politiques flattent les artistes et ils attendent d’être flattés par les artistes. Ça fait un peu marchands de chevaux… », pointe Bernard Lavilliers. Le pire (ou le meilleur) est qu’en 2012, l’équipe de François Hollande prit comme hymne de campagne Au départ, une chanson d’Alex Beaupain qui raconte l’échec de la gauche…

« Présidentielle, une épreuve d’artistes », d’Yves Azeroual et Yves Derai (Fr., 2017, 53 min). Le documentaire sera suivi d’un débat animé par Nora Hamadi en présence des réalisateurs.