L’ex-président haïtien René Préval, décédé le 3 mars à 74 ans, a été enterré après des funérailles nationales samedi 11 mars à Port-au-Prince, occasion pour la population de rendre un dernier hommage à celui qui a promu le consensus politique dans un pays très instable.

Sous une pluie intermittente, une foule importante a suivi le cortège funéraire à Marmelade, village natal de son père où René Préval a passé son enfance, à 200 km au nord de la capitale haïtienne. Celui qui fut président à deux reprises du pays de la Caraïbe, entre 1996 et 2001, puis de 2006 à 2011, repose désormais au bord du lac d’un centre agricole, une sépulture qui rappelle l’attachement que portait le politicien, agronome de formation, au monde rural.

René Préval reste à ce jour le seul dirigeant de l’histoire d’Haïti à avoir achevé ses deux mandats, la limite imposée par la Constitution, sans subir de coup d’Etat ni avoir à partir en exil. C’est cette stabilité au pouvoir que les personnalités politiques, tant nationales qu’internationales, ont salué depuis l’annonce de son décès vendredi 3 mars et durant des funérailles nationales, samedi matin dans la capitale.

Jean-Bertrand Aristide absent

« Au cours de ses deux mandats, René Préval a su maintenir un certain équilibre dans la vie politique haïtienne » a souligné l’actuel président Jovenel Moïse dans son discours. « C’est un homme qui s’est donné au point qu’il soit impossible d’imaginer sans lui l’histoire de ces trente dernières années » a témoigné le chef de l’Etat, au pouvoir depuis à peine un mois.

Plusieurs personnalités de l’opposition et quelques spectateurs dans le public ont quitté la cérémonie quand Jovenel Moïse a poursuivi son allocution en reprenant les thèmes-phares de sa propre campagne électorale.

A l’inverse du très charismatique ancien président Jean-Bertrand Aristide, qui le surnommait « son jumeau », M. Préval a marqué la classe politique par sa grande discrétion. Premier ministre de l’ancien prêtre des bidonvilles en 1991, il avait pris ses distances avec lui au début des années 2000. A l’inverse des principaux leaders politiques haïtiens, M. Aristide n’a pas assisté à ces funérailles nationales.

Dans les tribunes décorées de drapeaux haïtiens, famille et proches collaborateurs de l’ancien dirigeant étaient réunis aux côtés des parlementaires et des représentants de la communauté internationale. Assis en plein soleil, sur les gradins face à la tribune où était exposé le cercueil de René Préval, les centaines d’invités et de citoyens anonymes ont assisté à la cérémonie en portant le chapeau de paille typique du monde rural, cher à l’ancien président.

« Il me disait qu’il ne faisait pas de politique »

A la tribune, la plus jeune fille de René Préval a rappelé avec émotion la volonté de son père de voir le pays sortir de la misère. « Il me disait qu’il ne faisait pas de politique parce que la politique ne l’intéressait pas : la politique n’est qu’un moyen pour qu’il puisse apporter du développement », a dit Patricia Préval. « Mon père était comme un arbre qui incarne une belle histoire, une histoire d’amour, de vivre ensemble, de compter les uns sur les autres et apprendre à partager », a-t-elle ajouté.

Né le 17 janvier 1943, fils d’un ancien ministre, M. Préval a dû s’exiler avec sa famille en 1963. Serveur dans des restaurants aux Etats-Unis dans les années 1970, il était revenu dix ans plus tard en Haïti pour y ouvrir une boulangerie. Après la chute de la dictature de la famille Duvalier en 1986 il avait milité dans des organisations populaires où il avait rencontré Jean-Bertrand Aristide.

Elu président en 1991, celui-ci avait nommé M. Préval Premier ministre. Ce dernier a succédé à M. Aristide au poste de président entre 1996 et 2001, avant un second mandat en 2006. Mais au cours de ce dernier mandat M. Préval n’avait pas pu endiguer la crise économique. Il était également au pouvoir lors du terrible séisme qui a tué plus de 220.000 personnes le 12 janvier 2010.

Très discret ces dernières années, René Préval n’en est pas moins resté une personnalité politique incontournable du pays, soucieux de la relance de la production agricole et de la protection de l’environnement et toujours très consulté jusqu’à son décès.