Figure célèbre de la diaspora chilienne en France, fils de la chanteuse Violeta Parra, le chanteur, auteur-compositeur, guitariste et romancier Ángel Parra est mort des suites d’un cancer, le samedi 11 mars à Paris, où il vivait depuis 1976. « Mon âge est le meilleur ami de ma vie » disait-il. Il aura vécu 73 ans.

Ángel Parra est né en 1943, à Valparaiso, la ville aux quarante collines, d’un père cheminot, Luis Cereceda, membre du parti communiste, et d’une mère chanteuse : Violeta Parra, dont on célèbre le centenaire de la naissance cette année, deviendra une icône de la chanson latino-américaine, l’héroïne de l’intelligentsia communiste et incarnera la culture populaire chilienne. Quand ses parents se séparent, Ángel Parra est élevé par sa mère. Elle lui donne le goût de l’engagement politique et de la chanson. Il prendra son nom. « Elle m’a tout appris » résume-t-il des années plus tard. Violeta Parra les emmène partout, lui et sa sœur Isabel, sur les chemins du pays où elle collecte des pans de folklore qu’elle transforme en chants révolutionnaires et hymnes à la vie. Elle sera son école. En 1965, il participe à Santiago, avec sa sœur aînée Isabel, à l’ouverture de La Peña de Los Parra, où se produiront leur mère Violeta, le chanteur et compositeur Victor Jara (assassiné par les militaires en septembre 1973), le groupe Quilapayun, et que fréquenteront le poète Pablo Neruda, l’écrivain argentin Julio Cortazar, et tout le milieu culturel et artistique de Santiago.

Torturé, déporté, exilé

Ángel Parra a 23 ans quand sa mère se suicide, d’une balle de revolver, en 1967. « Violeta avait des oiseaux de toutes les couleurs dans la tête. Pour les libérer elle fait un trou, mais sa vie est partie avec » écrit le musicien et poète argentin Atahualpa Yupanqui (1908-1992). Ángel Parra raconte ses souvenirs d’elle jusqu’à ce jour fatal dans un ouvrage publié en 2006, au Chili, sous le titre Violeta se fue a los cielos, qui débouchera plus tard en France sur Violeta Parra, ma mère, publié chez Ecriture, en 2011. La même année où sort, au Chili, le film Violeta, première fiction inspirée par vie de la chanteuse, réalisé par Andrés Wood . A l’instar de l’Argentine Mercedes Sosa, du Cubain Silvio Rodriguez, de l’Américaine Joan Baez, ou, récemment, de la Portugaise Lula Pena, Ángel Parra a chanté Violeta Parra.

Dans son premier roman Mains sur la nuque, publié en 2007, il évoque les événements dramatiques de 1973

Soutien du président Salvador Allende (auquel il rendra hommage à travers l’album Venceremos en 2013), au moment du coup d’état en 1973, Ángel Parra est arrêté, torturé puis déporté dans le camp de concentration de Chacabuco, dans le nord du pays. Il sera libéré puis expulsé au Mexique avant de s’installer en France, grâce à une mobilisation internationale et d’artistes dont font partie Yves Montand, Charles Aznavour et Joan Baez. Chanteur engagé, Il prend sur le tard le goût d’écrire au-delà du format de la chanson et publie en 2007, son premier roman Mains sur la nuque, (chez Métailié), au travers duquel il évoque les événements dramatiques de 1973.

En janvier 2017 paraissent au Chili ses deux derniers ouvrages, Mi nueva canción Chilena, et un livre pour enfants, Al mundo niño le canto. Le jour du décès du chanteur, le producteur, compositeur et DJ français Philipe Cohen-Solal écrivait sur sa page Facebook : « Un être de douceur et de poésie vient de nous quitter aujourd’hui et c’est une très triste nouvelle. Il célébrait récemment avec son peuple le centenaire de la naissance de sa mère Violeta Parra, la Joan Baez chilienne, tout en se battant avec inquiétude mais optimisme contre cette saleté de cancer. J ai eu la chance de la rencontrer il y a quelques années et de le fréquenter depuis. Je vous ferai écouter bientôt les morceaux auxquels il m’avait fait l’amitié de participer, en hommage à Victor Jarra. Angel, ange tu étais ange tu resteras. »