Le candidat du Parti socialiste Benoît Hamon (au centre), aux côtés du maire de Fort-de-France Didier Laguerre (deuxième à gauche) et du député de Martinique, Serge Letchimy (au centre droit), sur le marché de Fort-de-France, le 13 mars. | LIONEL CHAMOISEAU / AFP

« Redresse zizi et clicli, bois bandé pour faire l’amour. » L’annonce publicitaire écrite sur un coin de carton tape dans l’œil de Benoît Hamon. « Ça tombe bien, je veux faire battre le cœur de la France ! », lance-t-il en riant à la commerçante qui lui propose de goûter son punch prétendument aphrodisiaque.

Le candidat socialiste à la présidentielle, en campagne depuis samedi dans les Antilles, s’est offert lundi 13 mars matin, sous le marché couvert de Fort-de-France, en Martinique, le bain de foule qui lui a manqué depuis son arrivée en outre-mer. « Alors, personne ne le reconnaît ? », glisse son entourage dans son sillage, vexé par les articles de presse expliquant depuis deux jours que le périple antillais de Benoît Hamon ne soulevait guère la liesse populaire.

« Il n’est pas venu pour danser le zouk. Il n’est pas dans le folklore, mais plutôt dans le pari de l’intelligence », théorisait encore dimanche matin le porte-parole de sa campagne, l’élu francilien Jérôme Guedj, lui aussi du voyage. Une pique adressée alors au rival, Emmanuel Macron, qui, lors de sa visite dans les Antilles avant Noël, s’était livré à quelques pas de danse créole devant les caméras.

« Il doit transcender sa campagne »

Lundi matin, à Fort-de-France, Benoît Hamon a abandonné ses réserves pour se livrer à l’exercice obligé du candidat à la présidentielle en campagne dans les territoires ultramarins. Pendant une heure, accompagné par le député de Martinique Serge Letchimy et le maire de Fort-de-France Didier Laguerre, il a navigué entre les étals du marché, entouré d’une nuée de photographes et de caméras de télévision.

Entre des échanges de banalités sympathiques avec les exposants et les touristes venus de métropole – « Alors, ça va ? Vous êtes en vacances jusqu’à quand ? » –, la dégustation d’accras et de bananes forcément « délicieuses », la séance d’essayage de chapeaux tressés ou l’étude des différents types de rhum arrangé et d’épices, il a distribué sans compter poignées de mains et selfies.

« Benoît Hamon a des idées fortes, mais il doit se lâcher, il doit transcender sa campagne et muscler son discours », explique sur ses pas Serge Letchimy. Le leader du Parti progressiste martiniquais, allié du Parti socialiste (PS) au niveau national mais bien plus puissant que le parti à la rose au plan local, confie que ses troupes ont été approchées par l’équipe d’Emmanuel Macron. « Ils ont envoyé un négociateur, vous voyez le genre », explique le député de Martinique, qui dénonce des méthodes « clientélistes ».

L’élu ultramarin veut croire qu’« il y a encore un espace d’espérance » pour Benoît Hamon, en retard dans les sondages à quarante jours du premier tour de la présidentielle. « Son défi, c’est de faire prendre cette espérance, il doit envoyer la sauce ! », conseille le parlementaire.

Pression sur Emmanuel Macron

Depuis Fort-de-France, le candidat socialiste a lâché ses coups contre François Fillon. Tandis qu’à Paris, l’ancien premier ministre présentait son programme, Benoît Hamon a dénoncé « une thérapie de choc extrêmement dangereuse que la France serait incapable de supporter » et qui risque de provoquer un futur « chaos social ». En s’attaquant au financement des retraites ou au nombre de fonctionnaires, le représentant de la droite « prépare un effondrement des piliers du modèle social et républicain français », a estimé Benoît Hamon, qui doit lui-même détailler son programme jeudi.

« La France de François Fillon est dure pour les faibles et douce pour les puissants. Cela en dit long de son rapport à l’argent et de la manière dont il épargne les plus fortunés », a-t-il ajouté, alors que le candidat Les Républicains est pris dans de multiples affaires financières et pourrait être mis en examen mercredi dans le cadre du « Penelopegate ».

La veille, Benoît Hamon s’en était pris à Emmanuel Macron, son autre rival du premier tour. Après son meeting à Fort-de-France, il avait rendu public devant la presse le nom de son premier donateur de plus de 2 500 euros pour sa campagne. Il s’agit de l’épouse du cinéaste Costa Gavras. Une manière de mettre la pression sur le leader d’En Marche !, à qui il ne cesse de réclamer les noms de ses donateurs, sous-entendant que l’ancien banquier d’affaires est sous l’influence des lobbies et des milieux financiers. « On demande à Fillon qui paie ses costumes, on peut aussi demander qui paie la campagne de Macron », a-t-il glissé aux médias qui l’interrogeaient. Une question qu’il pourra lui poser le 20 mars pour le premier débat télévisé d’avant le premier tour.