Nantes, le 26 fevrier 2017, au meeting de Marine Le Pen. | Cyril Bitton / french-politics pour Le Monde / Cyril Bitton

Rarement le souverainisme n’aura été aussi présent dans une campagne présidentielle. Au moins quatre des candidats qui ont obtenu leurs 500 parrainages pour être sur la ligne de départ le 23 avril proposent des mesures visant à renforcer Paris contre Bruxelles. Sortie de l’Union européenne, renégociation des traités, sortie de la zone euro… Voici leurs propositions et différences passées en revue.

Sortie de l’Union européenne

  • Marine Le Pen

Si elle est élue, la candidate du Front national assure que sa première décision sera de se rendre à Bruxelles « pour enclencher la négociation sur le retour des quatre souverainetés : monétaire, législative, budgétaire et territoriale », a-t-elle annoncé dans un entretien au Monde, en février. « L’objectif est de parvenir à un projet européen respectueux de l’indépendance de la France, des souverainetés nationales et qui serve les intérêts des peuples », précise-t-elle dans son programme.

Six mois après son élection, après le temps des négociations avec les partenaires européens, elle promet d’organiser un référendum sur la sortie de l’Union européenne. « Si j’ai obtenu gain de cause, je suggère aux Français de rester. Sinon je leur conseille de sortir de l’UE », explique la présidente du Front national. Et si Marine Le Pen fait campagne pour la sortie de l’UE et que les Français décident, finalement, d’y rester, la candidate d’extrême droite a annoncé qu’elle quitterait son poste de présidente. « L’intégralité du projet qui est le mien ne peut se mettre en œuvre que si nous avons les moyens, les leviers », a-t-elle jugé le 7 mars devant des entrepreneurs réunis par le mouvement patronal Ethic.

  • François Asselineau

S’il était élu, François Asselineau est le seul parmi les candidats défendant des idées souverainistes à vouloir enclencher une procédure de « Frexit » dès son élection. Selon le candidat de l’Union populaire républicaine (UPR), le principal problème de la France, « c’est que les Français ne dirigent plus leur propre pays ». Les décisions sont, selon lui, prises exclusivement par trois institutions : la Commission européenne, la Banque centrale européenne et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Pour y remédier, il propose alors de dénoncer les traités européens pour sortir « unilatéralement et juridiquement » de l’UE en activant l’article 50 du traité sur l’Union européenne, comme s’apprête à le faire la première ministre britannique.

Le programme de François Asselineau comporte également un volet pour « intensifier la production nationale » qui impliquerait de dénoncer « de nombreux articles » du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou encore de « récupérer immédiatement notre siège plein et entier à l’Organisation mondiale du commerce ». Sortie de l’UE oblige, la politique agricole commune (PAC) serait remise en cause. François Asselineau propose de la remplacer par une politique agricole nationale (PAN) et assure :

« La sortie de l’UE ne modifiera en rien le niveau des subventions versées à nos agriculteurs puisque ces subventions, bien que qualifiées d’européennes, sont en réalité financées par les contribuables français. »
  • Nicolas Dupont-Aignan.

Le candidat de Debout La France ne fait pas de la sortie de l’Union européenne en tant que telle un objectif. Lui envisage plutôt d’en finir avec ce qu’il appelle le « carcan supranational de Bruxelles » qui « affaiblit la France » ainsi qu’avec la « prise de pouvoir par des institutions communautaires non-élues que les traités n’ont cessé de renforcer au détriment des démocraties nationales », explique-t-il dans son projet présidentiel.

Il propose pour cela un nouveau traité pour fonder une « Europe des nations et des projets » appelée « Communauté des Etats européens », dans laquelle chaque pays récupérerait la « maîtrise » de quatre « souverainetés » : les frontières, le budget, la monnaie et les lois. Dans l’Europe de Nicolas Dupont-Aignan il n’y aurait ni Parlement européen, ni fonction publique européenne, mais un Conseil européen « seul organe de décision et d’exécution » et une « Assemblée des Etats européens » dont les membres sont désignés par les parlements nationaux.

La Communauté ne serait plus chargée que de gérer un marché commun « fondé sur une loyauté des échanges à l’intérieur (une convergence fiscale, sociale et environnementale), une coordination des politiques commerciales et la préférence communautaire vis-à-vis de l’extérieur. » Mais ses décisions ne primeront plus sur celles des Etats membres.

Nicolas Dupont-Aignan fait de l’adoption de ce traité, qui serait validée par référendum, la condition sine qua non du maintien de la France dans l’UE. « Si les négociations échouent », prévient-il dans son projet, « la France quittera » l’Union européenne.

  • Jean-Luc Mélenchon.

« L’Europe, on la change ou on la quitte », tonne le candidat de La France insoumise. Il entend imposer « un rapport de force notamment avec le gouvernement allemand » en posant dans son programme un plan A et un plan B en vue des futures négociations avec les partenaires européens.

Son plan A consiste en une sortie concertée des traités européens et la négociation de nouvelles règles. Il conditionne le maintien de la France dans l’UE à la fin de l’indépendance de la Banque centrale européenne, la mise en place d’« un protectionnisme solidaire » ainsi qu’une harmonisation fiscale sur le continent. En cas d’accord, le résultat des négociations sera soumis à référendum où les Français décideront « souverainement de (leur) participation à l’Union européenne refondée ou de la sortie », explique-t-il dans son programme.

En cas d’échec des négociations, M. Mélenchon impose son plan B, c’est-à-dire une sortie unilatérale des traités européens. Cette seconde option consiste à stopper la contribution de la France au budget de l’Union européenne ainsi qu’à mettre en place un contrôle des capitaux et des marchandises aux frontières nationales. M. Mélenchon veut également « réquisitionner la Banque de France pour reprendre le contrôle de la politique du crédit et de la régulation bancaire ».

Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise à la présidentielle 2017, anime un meeting à Brest, mardi 28 février. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Sortie de l’euro

  • Marine Le Pen

La candidate d’extrême droite souhaite sortir de l’euro et retrouver « une monnaie nationale adaptée à notre économie ». Selon elle, « l’euro a échoué, cette monnaie a entraîné une augmentation spectaculaire des prix et donc une baisse du pouvoir d’achat ».

Dans une interview sur Europe 1 en janvier, l’eurodéputée proposait ainsi la mise en place de deux monnaies pour remplacer l’euro. « Une monnaie nationale » pour les Français au quotidien et une « monnaie commune » pour les Etats et les grandes entreprises. « Pour les Français, il y aura une monnaie, c’est leur monnaie nationale, c’est celle qu’ils auront dans leur portefeuille, il n’y aura pas deux monnaies », a-t-elle précisé. « En revanche, il est possible d’envisager pour les entreprises ce qui a existé par le passé : l’Ecu, une monnaie commune. C’est un peu compliqué, ça ne touche pas les 60 millions de Français, ça touche exclusivement les Etats ou les grandes entreprises », a-t-elle expliqué.

  • François Asselineau

C’est l’autre volet de sa politique de sortie de l’UE : le candidat de l’UPR prévoit un retour au franc et l’inscription dans la Constitution française la formule suivante : « Le franc est la monnaie de la République française. »

  • Nicolas Dupont-Aignan

S’il entend récupérer la souveraineté monétaire grâce au nouveau traité européen, contrairement à sa campagne de 2012, le candidat de Debout la France ne parle plus de sortie de la zone euro et de retour au franc dans son projet présidentiel. Est seulement évoqué l’abandon de la monnaie unique, tout en sauvegardant l’euro comme « monnaie commune » de réserve et d’échanges pour les pays européens. Quelle serait alors la monnaie nationale ? Le candidat ne le précise pas dans son projet.

  • Jean-Luc Mélenchon

Pour la monnaie, si la France sort de l’Union européenne, M. Mélenchon évoque l’idée d’un « système monétaire alternatif » avec les pays qui ont manifesté « leur désir de transformer l’euro en monnaie commune et non plus unique ».

Sortie de l’OTAN

En la matière, les candidats se divisent en deux catégories : ceux qui souhaitent une sortie totale de l’OTAN, à l’image de François Asselineau selon qui celle-ci est « la face militaire » de l’Union européenne, comme il l’expliquait lors d’une longue intervention télévisée sur le plateau d’« On n’est pas couché », en septembre 2014.

Jean-Luc Mélenchon lui aussi souhaite la sortie de la France de l’OTAN. Il refuse également que la France participe « à toute alliance militaire permanente à l’exception des opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU ». « La France doit cesser d’osciller au gré de ce que veulent ou ne veulent pas les Etats-Unis, a-t-il affirmé lors de la présentation de ses vœux en janvier 2017. Je ne m’alignerai pas. La France est une nation universaliste, elle n’a rien à faire dans l’OTAN. »

Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan prônent eux uniquement la sortie du commandement intégré de l’OTAN car, selon Marine Le Pen, il est important que « la France ne soit pas entraînée dans des guerres qui ne sont pas les siennes ».

« Nous sortirons du commandement intégré de l’OTAN, fidèles à la pensée du général de Gaulle et à notre grande tradition française d’indépendance », promet également Nicolas Dupont-Aignan dans son projet. « Mais cela n’empêchera pas une coopération proche entre la France et ses alliés au sein de l’OTAN, lorsque cela sera conforme à nos intérêts et à ceux de nos alliés », ajoute-t-il.