A Pékin, en juillet 2016. | JOHANNES EISELE / AFP

Dénigrer les héros et martyrs communistes chinois sera bientôt un délit. Une clause allant dans ce sens a été proposée à l’Assemblée populaire nationale chinoise, réunie en session plénière jusqu’au mercredi 15 mars dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau code civil pour 2020. L’initiative, qui appelle, selon l’agence officielle Chine Nouvelle (Xinhua), à sanctionner ceux qui « recourent à des faits déformés et diffament de manière déshonorante l’honneur et la réputation des martyrs et des héros », participe de la sacralisation de l’histoire du parti sous Xi Jinping.

Toute version critique est actuellement qualifiée de « nihilisme historique ». Des historiens, des journalistes indépendants, mais aussi des blogueurs, ont entrepris de déboulonner ces dernières années les grandes figures symboliques du panthéon communiste chinois, à la grande fureur des néomaoïstes. Ainsi du brave soldat Lei Feng, mort en 1962, dont les photographies de propagande le montrant en train de se livrer dans la solitude à des actes altruistes avaient déjà fait dire aux écrivains Susan Sontag et Simon Leys, en 1977, qu’elles impliquaient la présence d’un photographe « providentiel » rudement doué.

Actuellement poursuivis en diffamation

La nouvelle clause du code civil permettra de sanctionner de manière automatique toute critique. Jusqu’ici, nombre des contradicteurs de l’histoire officielle se retrouvaient poursuivis en diffamation, sans avoir beaucoup de chance de l’emporter face à un appareil judiciaire sommé sous Xi Jinping d’afficher sa loyauté au Parti communiste. Ce fut, par exemple, le cas de l’auteur indépendant Hong Zhenkuai, condamné en août 2016 en appel à des excuses publiques pour avoir douté de l’exploit des « cinq héros du mont Langya ». Ces combattants communistes auraient détourné vers eux un bataillon japonais s’attaquant à un village et occis un grand nombre de soldats. Puis ils s’étaient jetés du haut d’une falaise – deux ont survécu. En enquêtant dans les archives japonaises et en examinant la topographie des lieux, M. Hong avait contesté le fait qu’ils aient pu tuer autant d’ennemis. En outre, tout portait à croire qu’ils avaient cherché à s’enfuir puis avaient chuté dans la pente.

Le cas Hong Zhenkuai fut cité dimanche par la Cour suprême chinoise dans son rapport à l’Assemblée parmi les succès de la justice à promouvoir les « valeurs fondamentales du socialisme ». « Comment la Cour suprême peut-elle émettre un tel mépris de la justice, et en plus, toute l’Assemblée a applaudi ! », a commenté He Weifang, professeur de droit et critique du régime, mettant en ligne une photo de… Staline en héros du peuple.