Penelope et François Fillon, le 29 janvier à Paris. | ERIC FEFERBERG / AFP

Convoqué par des juges d’instruction mardi 15 mars dans le cadre de l’enquête sur des soupçons d’emplois de son épouse et de deux de ses enfants, François Fillon a été mis en examen dans la matinée. L’annonce en a été faite près de deux mois après les premières révélations du Canard enchaîné.

Les affaires qui menacent Fillon résumées en trois minutes
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De son côté, Penelope Fillon est également convoquée le 28 mars, en vue d’une mise en examen.

Retour sur ces deux mois qui ont fragilisé la candidature de François Fillon.

  • Ce qui est reproché à François Fillon

L’« affaire Fillon » débute le 24 janvier avec les premières révélations du Canard enchaîné sur de supposés emplois fictifs de son épouse. Dès le lendemain, le Parquet national financier ouvre une enquête judiciaire sur les chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits.

Selon l’hebdomadaire satirique, Penelope Fillon fut l’assistante parlementaire de son époux, alors député de la Sarthe, entre 1986 et 1990, puis entre 1998 et 2002. Elle fut ensuite employée par le suppléant de François Fillon, Marc Joulaud, entre 2002 et 2007. Avant de retravailler pour son mari, devenu député de Paris, entre 2012 et 2013 — jusqu’à ce que les règles de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique imposent à M. Fillon de déclarer les revenus de son épouse et l’identité de ses collaborateurs parlementaires. Sur l’ensemble de cette période, elle aurait perçu 680 380 euros net, soit environ 3 600 euros mensuels net.

L’ancien premier ministre aurait également fait travailler ses enfants Marie et Charles, lorsqu’il était sénateur. La première, alors élève avocate, d’octobre 2005 à décembre 2006, et le second, de janvier à juin 2009. Mais s’il n’est pas interdit d’embaucher un membre de sa famille en tant que collaborateur parlementaire, celui-ci doit seulement avoir réellement exercé la fonction. C’est ce que cherchent à établir les enquêteurs depuis la fin de janvier.

L’autre volet de l’enquête concerne la Revue des deux mondes. Selon le Canard enchaîné, la revue littéraire a rémunéré Mme Fillon 3 500 euros net mensuels entre mai 2012 et décembre 2013.

Mais pour Michel Crépu, qui dirigeait à l’époque la revue littéraire, l’épouse de François Fillon « a bien signé deux ou peut-être trois notes de lecture », mais « à aucun moment (…) je n’ai eu la moindre trace de ce qui pourrait ressembler à un travail de conseiller littéraire ». Selon le propriétaire de la revue, et proche de M. Fillon, Marc Ladreit de Lacharrière, l’épouse de l’ancien premier ministre avait également un rôle de conseil auprès de lui.

Après plus d’un mois d’enquête préliminaire, le Parquet national financier avait ouvert le 24 février une information judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel, trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique ». Trois juges d’instruction avaient alors été saisis. Ce sont eux qui ont mis en examen François Fillon mardi.

  • Les Fillon rejettent l’accusation d’emploi fictif

Concernant l’emploi de son épouse en tant que collaboratrice parlementaire, François Fillon a affirmé qu’elle travaillait pour lui « depuis toujours », qu’elle avait « corrigé ses discours » et l’avait « représenté dans des manifestations et des associations ». Le candidat de droite met aussi régulièrement en cause la justice. « Cette convocation [par les juges d’instruction] s’inscrit dans la ligne d’une enquête menée dès le début exclusivement à charge », a-t-il lancé le 1er mars lors d’une conférence de presse à son QG de campagne.

De son côté, lors de son audition par la police judiciaire, Penelope Fillon a détaillé davantage son activité : « Je lui préparais des fiches », « il m’arrivait de le représenter » dans des manifestations culturelles, a-t-elle affirmé, selon des informations du Monde.

Dans une interview au Journal du dimanche, le 5 mars, Mme Fillon dit avoir travaillé « à des tâches très variées » comme collaboratrice parlementaire.

« Mon rôle était de l’aider dans sa relation d’élu avec les gens », dit-elle. « Il avait besoin de quelqu’un (…). Si cela n’avait pas été moi, il aurait payé quelqu’un pour le faire. Donc on a décidé que ce serait moi », explique-t-elle à propos des activités rémunérées qui ont cessé en 2013.

« Je traitais le courrier en lien avec la secrétaire. Je préparais pour mon mari des notes et des fiches sur les manifestations locales de la circonscription, afin qu’il puisse avec mes mémos faire ses allocutions. Je lui faisais aussi une sorte de revue de presse locale. Je le représentais à des manifestations. Je relisais ses discours. »

Elle explique avoir fourni aux enquêteurs des « documents », des « mails » et des « notes » le prouvant.

Sur ses missions au sein de la Revue des deux mondes, Penelope Fillon dit avoir rédigé « des notes et des fiches de lectures », et qu’elle a eu des discussions « régulières au début, moins régulières ensuite », avec Marc Ladreit de Lacharrière, patron de la Revue. « Il voulait changer la politique éditoriale (…). Il pensait qu’avec mon background anglo-saxon, je pourrais l’aider. »

  • Un prêt de 50 000 euros non déclaré, des costumes offerts par un ami

D’autres polémiques touchent depuis ces derniers jours le candidat de droite à l’élection présidentielle. Mardi 7 mars, Le Canard enchaîné faisait de nouvelles révélations sur François Fillon. Selon l’hebdomadaire satirique, le candidat Les Républicains à l’élection présidentielle a obtenu de l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière un prêt de 50 000 euros, sans intérêts, que M. Fillon n’avait pas déclaré à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), comme la loi l’y oblige. D’après Le Canard enchaîné, ce prêt remonte à 2013, année où l’épouse de M. Fillon était notamment salariée de la Revue des deux mondes.

Lors de son audition le 30 janvier, M. Fillon a « spontanément » dit aux enquêteurs qu’il avait « oublié » de mentionner ces 50 000 euros dans sa déclaration de patrimoine à la HATVP.

« Je ne me laisserai pas entraîner dans une opération qui est clairement une opération de déstabilisation politique. »

« Je ne répondrai à rien du tout sur ces sujets. C’est pas un sujet. Interrogez mes avocats. Ce feuilleton ne m’intéresse plus », a lâché le candidat LR, le 8 mars, pour sa défense.

« Est-ce que ce prêt intégralement remboursé est illégal, est-ce que c’est immoral, est-ce que c’est inacceptable ? Non », avait également réagi Me Antonin Lévy, avocat de François Fillon, sans préciser la date à laquelle a eu lieu le remboursement.

Quelques jours plus tard, dimanche 12 mars, Le Journal du dimanche révélait que François Fillon s’était fait offrir par un ami pour plusieurs milliers d’euros de costumes. Selon le journal, un mécène a signé le 20 février un chèque de 13 000 euros pour le règlement de deux costumes achetés chez Arnys, un tailleur parisien des quartiers chics. « J’ai payé à la demande de François Fillon », a dit cet « ami généreux » au JDD. A cela s’ajouteraient, selon l’hebdomadaire, près de 35 500 euros « réglés en liquide » chez ce tailleur, pour un montant de près de 48 500 euros au total depuis 2012.

« Un ami m’a offert des costumes en février. Et alors ? », a répondu M. Fillon aux Echos, dans un entretien, lundi 13 mars. Le déontologue de l’Assemblée nationale s’est saisi lundi de la question des costumes de luxe offerts à François Fillon, pour établir s’il y a eu manquement ou pas au code de déontologie des députés. « La question qui se pose est la suivante : ces cadeaux ont-ils été faits exclusivement à titre privé, auquel cas ils échappent à ma compétence, ou bien sont-ils en lien avec le mandat ? », a expliqué Ferdinand Mélin-Soucramanien, précisant qu’il entendait « recueillir le maximum d’éléments d’information » à ce sujet.

  • Les Républicains derrière le candidat Fillon

Le parti a tangué mais, finalement, les ténors de la droite ont décidé de soutenir François Fillon. Le lendemain du rassemblement de soutien au candidat de la droite sur la place du Trocadéro à Paris, le comité politique des Républicains a appelé, lundi 6 mars, au rassemblement et à l’unité derrière l’ancien premier ministre.

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Un temps envisagé comme « plan B », Alain Juppé a décidé de ne pas se présenter et a apporté son parrainage à M. Fillon, a annoncé le 10 mars le maire de Bordeaux.

De leur côté, après avoir demandé son retrait, les dirigeants de l’UDI ont décidé d’attendre des « initiatives » de la part de François Fillon en leur direction. Les Républicains et le parti centriste ont ainsi conclu un accord pour les législatives qui réserve quatre-vingt-seize circonscriptions à des candidats UDI. Mardi 14 mars, les centristes ont réaffirmé leur accord d’union avec la droite dans un communiqué.