Devant le Parlement de Westminster, le 13 mars. | DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Theresa May a les mains libres pour engager officiellement la procédure de divorce avec l’Union européenne. Lundi 13 mars au soir, le Parlement de Westminster a adopté définitivement le projet de loi qui, en deux lignes, autorise la première ministre à activer le Brexit. Il s’agit de notifier à Bruxelles la décision de Londres de recourir à l’article 50 du traité de Lisbonne, qui prévoit deux années de négociations conduisant à la sortie de l’UE.

Mme May devrait effectivement lancer la procédure d’ici à la fin mars, ainsi qu’elle s’y était engagée. Originellement, elle avait souhaité se passer de tout débat parlementaire, se prévalant du vote populaire de juin, au cours duquel 51,9 % des Britanniques ont choisi le Brexit. Mais la justice, saisie par un groupe de citoyens, l’a contrainte à saisir Westminster après que la Cour suprême britannique eût jugé, le 24 janvier, que « procéder autrement constituerait une violation des principes constitutionnels ».

Lundi après-midi, les députés ont rejeté les deux amendements introduits par les Lords, l’un sur la protection du statut des expatriés européens, l’autre sur l’exigence d’un « vote effectif » du Parlement sur l’éventuel accord scellé entre Londres et les Vingt-Sept d’ici à 2019. Sur le premier point, 335 députés, essentiellement conservateurs, ont manifesté leur opposition tandis que 287 (Labour, LibDem et SNP) approuvaient. Le second amendement a été, lui aussi, balayé, cette fois par 331 voix contre 286. Le Labour, qui ne s’est pas opposé au projet de loi afin de respecter « la volonté du peuple », a quelque peu élevé la voix. « Ils disent “Reprenons le contrôle”, [le slogan des brexiters] et, en même temps, ils nous demandent de museler le Parlement pour deux ans », a protesté Chris Leslie, ancien membre du cabinet fantôme travailliste. De son côté, l’ancien vice-premier ministre libéral-démocrate Nick Clegg, dont l’épouse est espagnole et la mère néerlandaise, dénonçait « le point d’interrogation » suspendu au-dessus de la tête de millions de résidents européens « à cause de l’inaction honteuse de ce gouvernement ».

Monnaie d’échange

En face, le ministre chargé du Brexit, David Davis, a exhorté les députés à rejeter les deux amendements des Lords pour ne pas « lier les mains » de Mme May. Relayant la position gouvernementale qui conditionne le sort des Européens du Royaume-Uni à des garanties réciproques pour les Britanniques du continent, M. Davis a affirmé qu’il se portait « moralement garant » de l’avenir des expatriés. Un simple engagement oral jugé insuffisant par l’opposition et par les intéressés. « Les citoyens européens vont servir de monnaie d’échange dans les négociations du Brexit. C’est totalement désespérant », a dénoncé Nicolas Hatton, un Français qui préside le mouvement « The 3million » de défense des expatriés.

Quant à l’exigence d’un droit de veto du Parlement sur l’accord final avec l’UE, le ministre du Brexit en a aussi repoussé à nouveau l’idée. Selon lui, cette perspective affaiblirait Theresa May dans les négociations, incitant selon lui les Vingt-Sept à proposer « un mauvais accord » précisément pour qu’il soit rejeté par le Parlement. Un aperçu de l’état d’esprit suspicieux des Britanniques avant le grand déballage face aux Vingt-Sept.