La ville d’Ain Al-Fijah, dans la zone de Wadi Barada, à la fin de janvier 2017. | STRINGER / AFP

Tout au long des combats dans la zone de Wadi Barada, où se trouvent les principales sources d’eau alimentant Damas, régime et rebelles se sont rejeté la responsabilité de la destruction des infrastructures hydrauliques desservant la capitale. Durant les affrontements, qui ont démarré le 22 décembre 2016 et duré plus d’un mois, l’équipe de l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie avait affirmé ne pas pouvoir désigner de coupable, faute de pouvoir se rendre sur place. La commission d’enquête des Nations unies, elle, a tranché : si les habitants de la capitale syrienne et de ses alentours ont subi de lourdes privations en eau, c’est parce que les « forces aériennes syriennes » ont bombardé « à de multiples reprises », dès le 23 décembre, la principale source, Al-Fijah.

Dans un rapport présenté mardi 14 mars, qui recense les violations des droits de l’homme en Syrie entre juillet 2016 et février 2017, l’organe d’investigation mis en place par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU affirme que les infrastructures ont été « intentionnellement » visées par les avions de chasse. Pour les enquêteurs, ces attaques contre des installations civiles équivalent à « un crime de guerre ».

La commission réfute la version présentée par Damas : peu après le lancement de l’offensive de ses troupes pour reprendre la région stratégique de Wadi Barada, le pouvoir avait accusé les combattants anti-Assad d’avoir empoisonné l’eau, en y versant du diesel, et saboté les structures. « Aucune partie n’a intentionnellement contaminé l’eau », écrivent les rapporteurs.

Des destructions « excessivement disproportionnées »

Ces conclusions, qui s’appuient sur des entretiens, des vidéos et des images satellitaires, rejoignent les allégations des rebelles, qui dénonçaient le bombardement des infrastructures par le régime. Mais pas de quoi satisfaire les activistes pro-opposition, qui considèrent la publication trop tardive. Des images diffusées lors de la bataille par les combattants anti-Assad « ne [pouvaient] pas être vérifiées de manière indépendante », avait alors affirmé au Monde une source de l’ONU en Syrie.

Le rapport précise encore que si « la présence de combattants de groupes armés à la source d’Al-Fijeh constituait une cible militaire », les destructions causées ont été « excessivement disproportionnées par rapport à l’avantage militaire attendu ou obtenu ».

Bachar Al-Assad a récemment répété qu’il « n’accord [ait] aucun intérêt à ce que di [sai] t l’ONU ». Mardi, le représentant syrien auprès du Conseil des droits de l’homme, actuellement réuni en session, a accusé la commission d’être politisée et d’utiliser des interviews de victimes « proposées par les groupes armés ».

Une partie des habitants déplacés par les combats ont fait leur retour

La bataille de Wadi Barada, menée par l’armée syrienne et son allié, le Hezbollah libanais, s’est achevée le 28 janvier, au terme d’un « accord » entre belligérants qui a signé le départ vers la zone sous contrôle rebelle d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, de quelque 700 insurgés et de plus de mille civils.

L’approvisionnement en eau de Damas depuis la source d’Al-Fijah, distante d’une quinzaine de kilomètres, a été partiellement rétabli : des travaux de réhabilitation ont été menés par des équipes gouvernementales, avec l’appui d’agences des Nations unies. Une partie des quelque 17 000 habitants déplacés par les combats ont fait leur retour vers les villages de la vallée du Barada.

La reconquête de cette zone, que les combattants anti-Assad tenaient depuis 2012, entre dans la stratégie du régime – sécuriser les environs de la capitale. Mais un diplomate en poste au Proche-Orient estimait aussi, peu après la reprise par les forces prorégime, que l’offensive avait été un signe de défiance adressé par Damas, au moment où Moscou et Ankara s’accordaient sur un cessez-le-feu et le lancement des discussions d’Astana. « Les Russes ont essayé [en janvier] de mener des négociations à Wadi Barada, mais ils ont été bloqués. Personne ne contrôle Damas. »

L’ex-Front Al-Nosra accusé de pratiquer des exécutions sommaires

Dans son rapport d’une vingtaine de pages, la commission d’enquête sur la Syrie met aussi en cause des attaques délibérées des forces prorégime contre des hôpitaux, des écoles et du personnel humanitaire. L’un des derniers épisodes recensés concerne un convoi d’aide destiné à Al-Waer, un faubourg de Homs aux mains des rebelles et assiégé par l’armée. Ses habitants doivent en être évacués vers la région d’Idlib.

Les enquêteurs dénoncent également des arrestations arbitraires et des attaques sans distinction menées par des groupes rebelles, notamment contre des quartiers résidentiels. Ils accusent l’ex-Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, de pratiquer des exécutions sommaires et d’enrôler des garçons de moins de 15 ans dans ses rangs.

Relatant le chaos qui règne dans la province d’Idlib, ciblée par le régime et sous la coupe des formations insurgées les plus radicales, la commission fait état de l’exaspération des civils face aux tribunaux islamiques et aux combats entre factions.