C’était, en creux, le procès des premiers pas hésitants de la politique de déradicalisation lancée en 2014 par le gouvernement. Sonia Imloul, l’ancienne présidente d’une des associations pionnières en la matière, comparaissait lundi 13 mars sous les boiseries de la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris. En 2014, elle s’était vu confier la prise en charge de familles d’Ile-de-France dont les enfants avaient été signalés pour leur radicalisation religieuse. Icône médiatique d’une période révolue, Mme Imloul était jugée, près de trois ans plus tard, pour des faits de détournement de fonds publics et de travail dissimulé.

Créée au cours de l’été 2014, sa Maison de la prévention et de la famille, domiciliée dans un appartement d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), n’a fonctionné que le temps d’une année. Missionnée dans l’urgence mi-2014, à une époque où l’on comptait plusieurs dizaines de départs de djihadistes pour la zone irako-syrienne par semaine, ses failles sont vite apparues au grand jour. C’est à la suite de plusieurs dénonciations et d’un signalement de la préfecture de Paris auprès du procureur de la République qu’une enquête préliminaire a été ouverte. Depuis, les contrôles sur les structures de ce type ont été nettement renforcés.

Au départ, la structure de Sonia Imloul avait pourtant obtenu le soutien affiché de la Place Beauvau. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, y a notamment effectué un déplacement médiatisé, le 20 décembre 2014. Lundi 13 mars, devant le tribunal, c’est un tout autre visage qu’a présenté Mme Imloul. Au total, l’ancienne responsable associative a touché quelque 60 000 euros de subventions versés directement sur son compte personnel avec un RIB dont l’enquête a démontré que c’était un faux grossier. L’association n’avait pas de compte bancaire. La situation des salariés était également précaire. Au moins trois sur quatre n’ont jamais perçu de rémunération en bonne et due forme. Parmi eux, une mère de famille dont la fille est en Syrie depuis 2013.

« Elle est mythomane, elle croit ce qu’elle dit »

Mme Imloul avait aussi embauché deux étudiants, l’un pour assurer le rôle de « plume », l’autre la responsabilité de « psychologue ». Le premier, Julien Revial, 24 ans, avait à peine validé sa première année de droit à Paris-II et n’a touché en tout et pour tout que 200 euros. Il s’est vengé dans un livre, Cellule de déradicalisation. Chronique d’une désillusion (Michalon, septembre 2016). La seconde, inscrite en master, n’a pu se faire indemniser que de 440 euros.

L’enquête n’a toutefois pas permis de démontrer que Mme Imloul avait fait payer ses services aux familles auxquelles elle venait en aide. Certaines, présentes à l’audience, ont bruyamment protesté. « Je ne sais pas gérer, je n’ai jamais su gérer », a seulement reconnu l’ex-responsable associative. Séparée et mère de deux enfants, elle a indiqué vivre chez sa mère et percevoir le RSA, y compris du temps de l’association. « Mme Imloul n’est pas menteuse, elle est mythomane, elle croit ce qu’elle dit », a attaqué le procureur, qui a requis une peine de 100 jours-amendes à 200 euros, soit 20 000 euros.

L’avocate de Mme Imloul, Me Jacqueline Laffont, a préféré attaquer les carences, à ses yeux, des services de l’Etat. Les 60 000 euros de subventions étaient largement insuffisants pour faire fonctionner la structure avec sa masse salariale, a-t-elle tenté de démontrer. Le loyer aurait coûté plus de 25 000 euros à lui seul. « On ne lui a pas donné les marges », a-t-elle plaidé.

Mme Imloul faisait par ailleurs l’objet d’une fiche de police : interdite bancaire, mise en cause ou victime dans plus d’une dizaine d’affaires d’escroqueries sur ces vingt dernières années… « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de recherche d’environnement ? (…) Ou cela a été fait et on a toutes les raisons d’être inquiets, ou alors on connaissait sa situation [celle de Mme Imloul] et quand cela n’est plus allé on l’a renvoyée devant un tribunal », a ajouté l’avocate.

Pour des raisons de confidentialité, la réalité du travail de Mme Imloul avec les familles, basé notamment sur l’intervention controversée d’un prédicateur salafiste, n’a pas été développée à l’audience. Le tribunal l’a condamnée à quatre mois de prison avec sursis.

Myriam Mouly et Elise Vincent