La recherche en intelligence artificielle a permis de progresser dans le « machine learning », soit l'apprentissage des machines. | Quentin Hugon/"Le Monde"

Balbutiante il y a encore dix ans, l’intelligence artificielle est désormais bien présente dans les entreprises. La banque en ligne norvégienne Telenor a créé un conseiller virtuel, chargé de répondre aux questions posées par les clients sur leur téléphone portable. L’Oréal utilise des algorithmes de traitement de données pour mieux connaître les attentes des consommateurs, et a choisi le nom d’une de ses gammes de produits en fonction des mots les plus recherchés sur Google. Quant à Accor­Hotels, il indexe désormais une part non négligeable de la rémunération de ses salariés sur le score de e-réputation du site où ils travaillent.

Ces exemples, David Dubois les étudie avec les manageurs du MBA de l’Institut européen d’administration des affaires ­ (Insead), où il anime un cours consacré à la stratégie digitale. Davantage intégrées dans les programmes des universités américaines, les problématiques liées à l’intelligence artificielle commencent en effet à être abordées dans certains MBA français.

« Cette question est de plus en plus importante pour les entreprises. Depuis deux ou trois ans, nous avons une masse critique d’exemples et de contre-exemples qui permettent de dégager de grands principes, et de voir où l’intelligence artificielle peut être source de valeur nouvelle », indique ­David Dubois. Selon lui, « avoir des connaissances dans ce domaine va devenir un prérequis pour des manageurs de haut niveau ».

« Comprendre le jargon des experts »

« Aujourd’hui, ce n’est pas un critère de recrutement, mais cette culture générale est fortement appréciée », observe pour sa part Alexandra Alberti-Vedrenne, associée au sein du cabinet de recrutement Eric Salmon. Spécialisée dans le secteur du numérique et de la technologie, elle se montre convaincue qu’« enseigner l’intelligence artificielle aux manageurs n’est pas du tout un effet de mode ».

« C’est une tendance de fond », confirme Alon Rozen, professeur associé à l’Ecole des Ponts Business School, qui s’apprête à organiser en juin une conférence baptisée « The Future of Business ». Au programme : l’intelligence artificielle, mais aussi le big data, les robots, les drones… « Si on n’a pas une idée des potentialités de ces outils, on risque de se couper du management et du business des années à venir, car les décisions seront de plus en plus prises par des ordinateurs. » Pour les dirigeants de demain, il s’agit moins de maîtriser la technologie que de pouvoir parler à des experts : « Il faut connaître leur jargon et comprendre la manière dont on peut utiliser leurs compétences. »

« L’intelligence artificielle va de plus en plus constituer une aide à la décision, mais il reste une grande inconnue sur ce qu’elle permettra de faire », indique Alexandra ­Alberti-Vedrenne, du cabinet de recrutement Eric Salmon

Pour « dédramatiser l’utilisation des algorithmes », David ­Dubois initie les manageurs de l’Insead à des outils simples, accessibles gratuitement en ligne, comme TweetDeck ou Google Trends, qui permettent de repérer l’intérêt croissant ou non des internautes pour tel mot ou telle thématique. Mais plus fondamentalement, l’enjeu est de « montrer comment l’intelligence artificielle peut s’intégrer dans une stratégie globale, car sans cette réflexion, cela ne sert à rien d’investir massivement dans une technologie », selon ­l’enseignant.

Responsabilité morale

« Les étudiants doivent comprendre les implications de l’intelligence artificielle pour l’avenir de l’entreprise, souligne aussi Jan Ondrus, responsable de la majeure Digital Business du Global MBA de l’Essec. L’intelligence artificielle permet une plus grande automatisation des process métiers qui n’était pas possible auparavant. Par conséquent, certains emplois répétitifs ou fortement structurés sont susceptibles de disparaître. Au lieu d’être victimes de réorganisations brutales du travail, les chefs d’entreprise sont censés saisir les opportunités offertes par l’intelligence artificielle pour catalyser des changements positifs. »

Encore faut-il aussi « prendre en compte les aspects légaux et éthiques, prévient Michelle Sisto, directrice du Global MBA de l’Edhec. Alors que l’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée en marketing, il faut s’interroger sur notre responsabilité, aussi bien juridique que morale, à utiliser certaines données des consommateurs ».

« Les entreprises recherchent des manageurs qui soient sensibilisés à cette dimension éthique de manière à développer de bonnes pratiques sans être tout feu tout flamme, indique Alexandra ­Alberti-Vedrenne. Car si, indéniablement, l’intelligence artificielle va de plus en plus constituer une aide à la décision, il reste une grande inconnue sur ce qu’elle permettra de faire. »

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