Cliché du 28 avril 2016 montrant les débris de l’hôpital Al Quds d’Alep, pris pour cible par un raid des forces gouvernementales. | KARAM AL-MASRI / AFP

Depuis le déclenchement du conflit syrien en mars 2011, 814 soignants ont été tués, rapporte une étude publiée, mercredi 15 mars, dans la revue britannique The Lancet. Celle-ci affirme en outre que les attaques contre des établissements médicaux se sont nettement intensifiées l’an passé.

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« L’année 2016 a été l’année la plus dangereuse à ce jour pour les professionnels de santé en Syrie », souligne ainsi le docteur Samer Jabbour de l’université américaine de Beyrouth (Liban), l’un des auteurs de cette enquête. Réalisée par un groupe de chercheurs, dont des membres la société médicale syro-américaine (SAMS), elle compile des données provenant de différentes sources.

D’après cette étude, Damas et ses soutiens, dont la Russie, ont pris pour cible les structures de soin de manière systématique. Cette stratégie s’est traduite par des « centaines de soignants tués, des centaines d’autres incarcérés ou torturés et des centaines d’établissements de soins délibérément attaquées ».

Le nombre d’offensives contre des établissements sanitaires est passé de 91 en 2012 à 199 en 2016. Les chercheurs à l’origine de ce rapport estiment que 94 % d’entre elles ont été menées par le régime de Bachar Al-Assad et ses alliés. « Avec le temps, les attaques sont devenues plus fréquentes, plus évidentes, et s’étendant à des zones géographiques plus vastes », relève le docteur Jabbour.

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Parmi les exemples est cité le cas de l’hôpital Kafr Zita Cave à Hama, dans le centre du pays. Celui-ci a été bombardé à 33 reprises depuis 2014, dont six fois depuis le début 2017. Autre cas, celui de l’hôpital souterrain M10, situé dans la partie orientale d’Alep. Il a été attaqué à 19 reprises en l’espace de trois ans avant d’être complètement détruit en octobre.

Exode des médecins

Selon des chiffres fournis par l’ONG américaine Physicians for Human Rights (PHR), entre mars 2011 et septembre 2016, 782 soignants ont été tués : 55 % dans des bombardements, 23 % lors de fusillades, 13 % à la suite de tortures tandis que 8 % ont été exécutés. Viennent s’ajouter à ce bilan, 32 morts survenues entre octobre 2016 et février 2017, selon les chercheurs. Les médecins représentant 32 % des victimes.

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La moitié des praticiens présents avant la guerre ont fui, soit plus de 15 000 personnes entre 2011 et 2015. Dans la partie orientale d’Alep, il ne reste plus aujourd’hui qu’un médecin pour 7 000 habitants contre 1 pour 800 en 2010. L’exode concerne plus particulièrement les docteurs expérimentés, ne laissant souvent sur place que des jeunes insuffisamment formés en raison du conflit, déplore encore l’étude.

Ils sont, en outre, concentrés dans les zones sous contrôle gouvernemental. Dans les autres régions, les rares soignants encore présents doivent gérer l’afflux de victimes, mais également faire face à des pénuries de médicaments, des épidémies ou des attaques chimiques.

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Pour les auteurs de l’étude, la crise syrienne « a révélé des lacunes » dans les réactions des organisations internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui répertorie désormais les offensives. Celle-ci ne fournit cependant pas les noms des responsables « ce qui porte atteinte aux efforts nécessaires pour mettre fin à ces crimes de guerre ».

Dans un commentaire joint à l’étude, l’OMS reconnaît que cette guerre – qui a déjà fait plus de 320 000 morts au total – est actuellement « la plus grande crise sur le plan humanitaire et en termes de réfugiés ». Elle envisage de travailler avec tous les participants « pour faire avancer les choses ».