Spectacle sur France 2 à 23 h 55

la Tosca avec Martina Serafin | Charles Duprat

Tosca est l’un des piliers du répertoire lyrique international. Et Giacomo Puccini (1858-1924), son auteur, fait partie de ceux qui n’ont connu aucun purgatoire. D’ailleurs, presque tous ses opéras sont constamment à l’affiche – à l’exception de ses deux premiers, Les Willis (1884) et Edgar (1889), et de La Rondine (1917).

Tout le monde aime ou a aimé, admire ou a admiré Puccini – sauf le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez. Fait rare cependant, Boulez ne l’a pas couvert d’injures comme il l’a souvent fait avec d’autres compositeurs dont il n’avait pas le goût : « A la vérité, sur Puccini je ne pense rien ! Et je ne saurais me situer ni dans les pour ni dans les contre, mais dans les absents ! »

Un autre avant-gardiste, l’Italien Luciano Berio, le plaçait au plus haut, allant jusqu’à proposer, en 2001, une nouvelle fin à Turandot (1924), laissé inachevé par Puccini à sa mort. Pour lui, le compositeur avait su transcrire comme peu la profondeur et la complexité des sentiments humains.

Mais, paradoxalement, certains ouvrages de Puccini aujourd’hui parmi les plus connus, La Bohême (1896), Tosca (1900) et Madame Butterfly (1909), dont les ouvriers italiens sifflent les airs au travail (on exagère à peine), ne furent pas immédiatement acceptés du ­public et de la critique. A l’inverse, La Fille du Far West (1910), qu’on voit plus rarement sur scène, a remporté, lors de sa création au Metropolitan Opera de New York (Met), l’immédiate adhésion populaire et professionnelle.

En costumes d’époque

Les airs de Puccini, dont les mé­lodies frappent d’emblée l’oreille comme le font les chansons de George Gershwin, feraient oublier que, souvent, la partie ­orchestrale des opéras recèle des audaces, certes éloignées de celles, plus hardies, d’un Richard Strauss dans Salomé (1905), mais qui firent tiquer les oreilles chatouilleuses de l’époque.

Cette Tosca, bien chantée, mise en scène par le Libano-Britan­nique d’expression française Pierre Audi, a été filmée en 2014 à l’Opéra de Paris. Le spectacle, classiquement dirigé, en costumes d’époque, évite les détour­nements du livret. A l’acte I, un décor abstrait – une immense croix posée au sol – figure l’espace de l’église où Mario Cavaradossi peint.

L’appartement de Scarpia, à l’acte II, concilie candélabres et espace néo Art Déco. Pierre Audi, vieux routier du métier (et prochain directeur du Festival d’Aix-en-Provence), sait ne pas prendre le public dans le mauvais sens du poil.

Pour la fin de l’acte III, quand Tosca doit sauter du toit du château Saint-Ange, à Rome, il a choisi de faire s’éloigner la malheureuse vers un fond en contre-jour. Ce qui évite les incidents plus ou moins comiques : la légende veut qu’une cantatrice, qui n’était pas une sylphide, ait sauté dans le vide et que, réceptionnée par un trampoline, elle ait rebondi assez haut pour que le public la voie… A la première de la mise en scène de Tosca par Luc Bondy au Met, en 2009, une doublure de la ­chanteuse a plongé dans le vide, retenue par une sangle. Si l’on a aperçu la sangle, c’est que le noir s’est fait une demi-seconde trop tard. Pierre Audi a sagement évité de telles catastrophes.

Tosca, opéra en trois actes de Giacomo Puccini sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa d’après la pièce de Victorien Sardou. Réalisation : Denis Caïozzi. Avec Martina Serafin, Marcelo Alvarez, Ludovic Tézier, Wojtek Smilek, Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris, Daniel Oren (direction), Pierre Audi (mise en scène).