Le Parlement européen a appelé les autorités zimbabwéennes à abandonner les poursuites judiciaires contre Evan Mawarire, l’une des figures de proue de la contestation contre le président Robert Mugabe. Dans une résolution adoptée jeudi 16 mars à Strasbourg, les députés européens demandent à ce que « les charges retenues contre lui pour des raisons politiques [soient] intégralement levées » dans le procès ouvert le jour même.

A 39 ans, l’initiateur du mouvement citoyen #ThisFlag (« ce drapeau ») est inculpé depuis le 3 février de « tentative de subversion d’un gouvernement constitutionnellement élu » et « incitation à la violence ». Son fait d’armes : avoir organisé une vague de grèves en 2016, dans un contexte d’asphyxie économique du pays. L’effet combiné du manque de liquidités, de la sécheresse qui pénalise fortement le secteur agricole et met en insécurité alimentaire près de 15 % de la population, a conduit au recul constant de l’inflation, devenue négative en 2014, et à un taux de chômage de l’ordre de 90 % de la population hors secteur informel, selon la Banque africaine de développement (BAD).

Procès d’un leader d’opposition

Inconnu jusqu’en avril 2016, le fondateur de l’église Sa génération s’est fait connaître grâce à des vidéos postées sur Facebook, où il dénonce la corruption du régime et la situation du pays, dirigé d’une main de fer depuis presque trente ans par Robert Mugabe. Il y apparaît avec, noué autour du cou, ce qui est devenu son symbole : le drapeau zimbabwéen.

Exilé en Afrique du Sud pendant six mois, il a été arrêté dès son retour, le 1er février, à l’aéroport de Harare, la capitale du Zimbabwe, avant d’être libéré sous caution de 300 dollars. Mi-février, à la sortie du tribunal de Harare où il était entendu par la justice, le jeune tribun reconnu pour son verbe haut a annoncé qu’il envisageait de se présenter aux élections générales de 2018. Une menace pour le plus vieux chef d’Etat en exercice dans le monde, déjà en lice pour briguer un septième mandat à l’âge de 93 ans. Les dernières élections de 2013, entachées de soupçons de fraude massive, avaient remportées par Robert Mugabe, avec 61 % des voix dès le premier tour.

Inquiétude sur le sort d’Itai Dzamara

Les députés européens se sont aussi inquiétés du sort d’Itai Dzamara, autre figure de l’opposition au gouvernement, enlevé il y a deux ans et toujours porté disparu. Strasbourg exige que les autorités de Harare fassent « la lumière sur le sort de M. Dzamara » et veillent « à ce que les responsables de son enlèvement soient traduits en justice ». Le 9 mars, deux ans jour pour jour après la disparition de l’ancien journaliste, les ambassadeurs de l’Union européenne et de Suisse ont exigé du gouvernement un rapport sur les progrès de l’enquête.

Itai Dzamara est considéré par les militants anti-Mugabe comme un martyr de la répression exercée par le régime. « Le peuple zimbabwéen souffre depuis de nombreuses années sous un régime autoritaire dirigé par le président Mugabe, qui se maintient au pouvoir par la corruption, la violence, des élections entachées d’irrégularités et un appareil sécuritaire brutal », accusent les élus européens.