Les corps couchés sur le sol de personnes mortes dans un bateau de réfugiés somaliens, dans la ville portuaire yéménite de Hodeida, le 17 mars. Des dizaines de personnes, dont des femmes et des enfants, ont été abattues à bord d’un bateau en mer Rouge au large du Yémen, déchiré par la guerre. | STR / AFP

Au moins 33 réfugiés somaliens, dont des femmes et des enfants, ont été tués en mer Rouge, au large du Yémen, a rapporté le Comité international de la Croix-Rouge, vendredi 17 mars. L’Organisation internationale des migrations (OIM), a quant à elle publié un bilan de 42 morts.

L’embarcation, qui emportait environ 150 personnes, aurait été visée par un navire militaire et mitraillée par un hélicoptère, de nuit, alors qu’elle tentait de rejoindre le Soudan, selon un des passeurs, interrogé par l’agence Associated Press (AP). Des photographies circulaient, le jour même, sur les réseaux sociaux, montrant des dizaines de corps alignés au sol sous des couvertures, dans le port yéménite d’Hodeida, avant leur transfert vers les hôpitaux.

Les rebelles houthistes, maîtres d’Hodeida et de la capitale, Sanaa, ont accusé la coalition saoudienne qui leur mène la guerre depuis mars 2015. Riyad a démenti. La zone de Hodeida est « dangereuse », « un lieu de trafic d’armes en l’absence de l’ONU », a rappelé le général saoudien Ahmed Assiri, porte-parole de la coalition.

Les migrants ont allumé des torches électriques

La coalition a la maîtrise des airs au Yémen et des eaux yéménites de la mer Rouge, qu’elle patrouille intensément depuis deux ans. Elle estime que les rebelles, maîtres de la plus grande part de cette bande côtière, s’approvisionnent en armes par un trafic mené à bord d’embarcations légères. Malgré les combats, des réfugiés de la Corne de l’Afrique demeurent au Yémen et y transitent par des réseaux de passeurs qui se renforcent dans le Nord, selon le bureau à Sanaa du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR).

Vendredi, le passeur yéménite Al-Hassan Ghaleb Mohammed a affirmé à AP que son embarcation avait quitté la côte yéménite à Ras Arra, dans la province de Hodeida. Elle avait parcouru une cinquantaine de kilomètres, s’approchant du détroit de Bab Al-Mandeb, qui ferme la mer Rouge, lorsqu’elle a été visée, de nuit, par un navire militaire et un hélicoptère. Ce dernier aurait interrompu son tir après que les migrants ont allumé des torches électriques, montrant qu’ils étaient des civils.

Trente-cinq blessés ont été admis dans les hôpitaux d’Hodeida. Des dizaines de survivants et trois trafiquants yéménites qui les accompagnaient ont été conduits vers la prison centrale, selon un responsable portuaire. L’OIM a assuré ne pas avoir affrété ce bateau, précisant qu’elle veille généralement à obtenir les autorisations des parties en guerre pour de telles opérations. Mohammed Abdiker, son directeur des opérations d’urgence, a estimé, à Genève, que l’attaque était « totalement inacceptable », et que les assaillants auraient dû vérifier qui était à bord avant de tirer.

Les réfugiés ont été frappés par des armes légères dans les eaux d’Hodeida, mais le bateau a réussi à rejoindre le port de la ville. | STR / AFP

Le contrôle de la côte de la mer Rouge

Depuis un an, trois navires militaires (émirati et américain en octobre 2016 et saoudien en janvier 2017) ont fait l’objet d’attaques des rebelles dans les environs du détroit de Bab Al-Mandeb, par où transite une large part de la production de pétrole mondiale. Les rebelles avaient tiré des missiles depuis la côte et lancé des embarcations légères, chargées d’explosifs, vers ces navires. Les Etats-Unis avaient riposté immédiatement à l’attaque de l’USS Mason, en détruisant trois postes radars, sur la côte, aux mains des rebelles, près d’Hodeida et de Moka. Un navire commercial espagnol a par ailleurs été abordé fin octobre 2016. L’identité des assaillants n’a pu être établie clairement.

La coalition tente par ailleurs de reprendre le contrôle de la côte de la mer Rouge, dans une opération lancée en décembre 2016, qui a déplacé des milliers de civils. La coalition s’assurerait ainsi la maîtrise de l’approvisionnement en nourriture et en biens de première nécessité des zones rebelles, au bord de la famine. Selon les Nations unies, le pays est actuellement le théâtre de la « pire crise humanitaire au monde », avec 7,3 millions de personnes ayant besoin d’une aide alimentaire d’urgence – sa distribution est gênée également par les rebelles.

L’opération n’a que peu progressé depuis février. Des forces loyales au gouvernement yéménite légitime, menées par des soldats émiratis et appuyées par des Soudanais, s’étaient alors emparées du port de Moka, à 170 kilomètres au sud d’Hodeida. Elles ont depuis avancé d’une quinzaine de kilomètres. L’objectif affiché par le gouvernement yéménite est la reprise d’Hodeida aux rebelles houthistes et à leurs alliés fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh. Un objectif éloigné, alors que les fronts ont à peine bougé depuis près de deux ans.