Documentaire sur Arte à 22 h 25

Mort le 4 décembre 1993, à l’âge de 52 ans, des suites d’un cancer de la prostate, Frank Zappa a laissé, en trente ans d’activité – ses premières compositions publiées remon­tent à 1962 – une importante œuvre musicale. Et cela en ­abordant de multiples genres, ­formes et styles : rock’n’roll ou rhythm’n’blues des années 1950, jazz, chanson pop, funk, disco, emprunts au sérialisme ou au ­dodécaphonisme, musique concrète… De la petite formation rock à l’orchestre symphonique en ­passant par le big band, souvent par le croisement d’univers dans une même composition.

De ce foisonnement témoigne une discographie de plus d’une centaine d’albums, dont une ­petite moitié publiée après la mort du compositeur, guitariste – à la technique virtuose –, chef d’orchestre et producteur américain. Dans ses chansons autant que pendant des intermèdes parlés durant les concerts, Frank Zappa était aussi un commen­tateur de la vie sociale et politique de son pays, moquant les excès de la société de consommation, défenseur acharné de la liberté d’expression. Lors d’émissions de télévision ou de radio, dans la presse écrite, il revenait sur ces sujets dès qu’il le pouvait.

Frank Zappa fin des années 70 | © INA

Diffusé sur Arte, le film Zapped, de Thorsten Schütte, a été conçu à partir d’une sélection de ces passages à la télévision. Ce qui donne un portrait original, quand les émissions consacrées à des musiciens reposent sur le recours à un amoncellement de témoignages et à un commentaire biographique en voix « off ». Zapped est en fait une réduction à 60 minutes du long-métrage Eat That Question : Frank Zappa in His Own Words, d’une durée de 90 minutes, qui a été présenté au Sundance Festival en janvier 2016.

Zappa a beau dire, dans les premières minutes du film, « être interviewé est totalement contre nature, ça frise l’inquisition » et à un autre moment déclarer qu’il n’est pas assez présent sur les chaînes de télévision, la matière n’a pas manqué à Thorsten Schütte. Le film a été conçu à la fois comme un suivi chrono­logique de la carrière de Zappa, avec de courts extraits de concerts ou de répétitions filmés, et comme un regroupement de ­thèmes à partir d’éléments tirés de divers entretiens.

Perçu comme un rebelle politique

Si la question est un peu futile, anecdotique, Zappa répond avec un rien d’ironie, une pirouette. « Vous êtes connu pour avoir posé nu sur des toilettes », insiste une présentatrice en référence à un poster réalisé à partir d’une photographie pour un article de la ­revue International Times en septembre 1967. Réponse : « Oui, je m’assieds sur des toilettes, comme vous. La seule différence, c’est que quelqu’un m’a pris en photo. » Quelques séquences amusantes qui font office de virgule dans un ensemble plus « sérieux ».

Zappa se prononce ainsi sur la censure, le fanatisme religieux durant les années Reagan et Bush, son attachement viscéral à la démocratie – il est perçu comme un rebelle politique, ce qu’il trouve ridicule –, le peu de place accordé à l’éducation artistique aux Etats-Unis.

Quand le sujet de sa célébrité et de la reconnaissance de sa musique est abordé, Zappa laisse passer une sorte de regret : « La plupart des gens qui connaissent mon nom ne savent pas ce que je fais. » A la fin du film, Zappa, dont un ensemble de pièces orchestrales ont pu être présentées en concert en Allemagne en septembre 1992, apparaît fatigué, le débit lent, marqué par la maladie. Dans un souffle, lui que le film montre dévoilant peu ses sentiments, dit : « J’étais heureux d’avoir droit à une ovation. » Simple et émouvant.

Zapped, de Thorsten Schütte (Fr., 2013, 60 min).