Nicola Sturgeon, le 18 mars à Aberdeen. | MICHAL WACHUCIK / AFP

Pour une fois, le cliché du « bras de fer » s’impose. Devant un auditoire de militants chauffé à blanc, Nicola Sturgeon, chef (indépendantiste) du gouvernement régional écossais, a confirmé, samedi 18 mars à Aberdeen (nord de l’Ecosse) son défi à Theresa May, la première ministre britannique. « La semaine prochaine, nous demanderons au Parlement écossais de reconnaître au peuple écossais le droit de choisir son avenir », a lancé la Première ministre écossaise. L’idée d’un référendum juste et légal cessera alors d’être seulement la mienne (…) pour devenir la volonté du Parlement écossais démocratiquement élu ».

Alors que 62 % des Ecossais ont voté contre le Brexit, Mme Sturgeon est bien décidée à utiliser la singularité de sa région pour remettre sur le tapis la question de l’indépendance pourtant tranchée négativement en 2014 lors d’un référendum. L’Ecosse « un pays européen et internationaliste » ne doit pas être forcée par les Anglais « à un Brexit dur désastreux », a-t-elle répété samedi sous les vivats, en clôture du congrès de printemps du Parti national écossais (SNP) qu’elle dirige.

Une fin de non-recevoir perçue comme une provocation

Son habileté à jouer du calendrier politique est remarquable : lundi dernier, elle a fait irruption dans le débat du Brexit en exigeant l’organisation d’un nouveau référendum entre la fin 2018 et le printemps 2019, au moment où le contenu de l’accord entre Londres et l’Union européenne (UE) devrait être connu. Imprévue, sa sortie a obligé Mme May à reporter le lancement officiel de la procédure de divorce avec les Vingt-sept.

Elle a surtout conduit la Première ministre britannique à hausser le ton et à affirmer que « le moment n’est pas venu » d’un nouveau référendum. Une fin de non-recevoir perçue comme une provocation par les indépendantistes. Mme Sturgeon et le SNP comptent bien utiliser la colère provoquée en Ecosse par l’arrogance de Mme May.

Mais pour légaliser le référendum, le gouvernement d’Edimbourg a besoin de l’aval de Londres et d’un vote de Westminster. En obtenant, probablement dès mercredi prochain, un vote favorable du parlement d’Edimbourg, Mme Sturgeon joue la crise constitutionnelle. Peuple écossais contre gouvernement conservateur.

Le différend principal porte sur la date d’un second référendum

Samedi, à Aberdeen, la Première ministre écossaise n’a fait que confirmer son intention de tenir tête à Londres : si Theresa May « agit au mépris » du vote du Parlement écossais, elle « fracassera de façon irréparable l’idée selon laquelle le Royaume-Uni rassemble de façon respectueuse des partenaires égaux ».

Comme si elle menait le jeu, Mme Sturgeon s’est offert le luxe d’appeler Mme May à réviser son jugement. « Si son souci est celui du calendrier, alors, dans les limites du raisonnable, je serais heureux d’en discuter. Mais elle ne doit avoir aucun doute : la volonté du Parlement doit et va prévaloir ».

Le principal différend entre Edimbourg et Londres porte en effet moins sur le principe d’un second référendum sur l’indépendance que sur sa date : tandis que la dirigeante écossaise demande qu’il ait lieu avant la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE afin, assure-t-elle, de permettre le maintien dans l’Union d’une Ecosse indépendante, Theresa May ne veut pas en entendre parler avant cette échéance.

La Première ministre britannique veut éviter que l’hypothèque écossaise devienne un enjeu fort des négociations de sortie, ouvrant un deuxième front à côté de celui du Brexit qui phagocyte déjà son gouvernement. Ce à quoi Mme Sturgeon veut précisément l’acculer.

Drapeaux écossais frappés des étoiles dorées de l’Europe

La volonté des Ecossais de rester dans l’UE constitue le principal argument de la dirigeante nationaliste pour refuser la loi de Londres et pousser la cause de l’indépendance. Des drapeaux écossais frappés des étoiles dorées de l’UE ont même été brandis par des militants dans la salle du congrès d’Aberdeen.

Quant au Parlement d’Edimbourg, il constitue la principale arme politique de la Première ministre écossaise. « L’époque où les gouvernements conservateurs pouvaient faire ce qu’ils voulaient à l’Ecosse » est terminée, a averti Nicola Sturgeon, faisant notamment allusion à l’époque où Margaret Thatcher s’était fait haïr en expérimentant en Ecosse une nouvelle taxe d’habitation (« poll tax ») particulièrement injuste.

A Aberdeen, la dirigeante indépendantiste a cherché à magnifier la différence écossaise vis-à-vis de Londres : accueil des réfugiés et bras ouverts aux immigrés là où les Anglais se ferment. Le congrès du SNP a même voté une motion autorisant tous les étrangers résidant en Ecosse depuis cinq ans à voter au futur référendum. Devant trois écrans géants diffusant le slogan « Plus forts pour l’Ecosse », Mme Sturgeon s’est posée en quasi dirigeante d’un pays ouvert sur le monde brimé par un gouvernement central lui refusant son « autodétermination ».