LVMH décuple les moyens du joaillier Bulgari. Six ans après avoir racheté la marque italienne de joaillerie pour 3,7 milliards d’euros, le groupe présidé par Bernard Arnault a inauguré une nouvelle usine à Valenza, au sud de Milan, vendredi 17 mars. « Trois cents emplois ont été créés ici. Nous en créerons autant d’ici à 2020 », a promis le PDG de la marque, Jean-Christophe Babin, devant Carlo Calenda, ministre italien du développement économique, lors de l’inauguration.

La promesse n’est pas pour déplaire au membre du gouvernement. M. Calenda a récemment dévoilé plancher sur un projet de décret destiné à encadrer l’investissement des groupes étrangers dans le pays, en exigeant qu’ils précisent leurs intentions lors de rachats. Plus que d’autres, les investisseurs français sont dans la ligne de mire de Rome, depuis la montée de Vivendi au capital du groupe de médias Mediaset et la série d’acquisitions de fleurons de l’industrie italienne.

Nouvelles campagnes de publicité

En une décennie, les firmes françaises auraient dépensé 47 milliards d’euros pour prendre le ­contrôle de 156 entreprises italiennes, d’après une étude réalisée par le cabinet KPMG pour le journal italien Corriere Economia. Ces acquisitions concernent notamment le luxe. En 2013, deux ans après l’OPA amicale de LVMH sur Bulgari, Kering, déjà propriétaire de l’italien Gucci, a mis la main sur les bijoux Pomellato.

« L’investissement de groupes étrangers en Italie est une bonne chose », a reconnu vendredi, beau joueur, M. Calenda, en vantant une opération qui « maintient la production » dans cette région de la plaine du Pô, berceau de l’industrie joaillière italienne. La décision de construire la nouvelle usine Bulgari à Valenza – elle remplace deux autres sites existants – a cependant été prise du temps où la marque était contrôlée par les descendants de son fondateur. Mais, selon ses porte-parole, LVMH lui aurait depuis attribué davantage de moyens financiers.

Les 300 boutiques qu’elle exploite ont pleinement profité de nouvelles campagnes de publicité, avec pour égérie Lily ­Aldridge. A l’été 2016, l’ancienne mannequin de lingerie chez ­Victoria’s Secret a remplacé Carla Bruni Sarkozy. Et les sacs à main dont le fermoir est conçu comme un bijou en forme de serpent font un tabac. Résultat : le chiffre d’affaires de Bulgari avoisinerait désormais les 2 milliards d’euros, soit presque le double du 1,07 milliard réalisé en 2010, peu avant son rachat.

Des processus de production revus

La filiale de LVMH espère maintenant ravir la place de numéro un du marché de la joaillerie à Cartier, filiale du groupe suisse Richemont. Tout doit y contribuer, à commencer par les méthodes de fabrication adoptées dans les ateliers pour ses pendentifs à tête de serpent, ses bagues en fil d’or et ses bracelets flexibles dits Tubogas.

Le joaillier a entièrement revu ses processus de production. Jour et nuit, une machine grave le logo Bulgari sur les anneaux de la bague B.Zero1, son best-seller lancé en 1999. Et ailleurs, dans les ateliers de la manufacture, le « lean management », qu’un employé de Toyota a inventé pour effacer les pertes de temps, réduire les coûts et augmenter les rendements, a été imposé. Ces méthodes que « Maserati et ­Ferrari utilisent », selon M. Babin, consistent à installer côte à côte orfèvres, sertisseurs et ponceurs au sein d’une même pièce pour former un seul atelier.

A Valenza, sous la houlette d’un ancien responsable de production de la marque de pneus Michelin, la fabrication est ainsi assurée par dix de ces équipes. Chaque pièce leur est livrée en pièce détachée. Elle sera ensuite montée, sertie et poncée en passant entre les mains des artisans. Elle n’en ressortira que finie. « Auparavant, le bijou passait d’un atelier à un autre », explique-t-on chez Bulgari, en vantant le gain de temps et de coût ainsi obtenu. Le bâtiment peut accueillir huit autres unités de ce type.

Offensive prix

Cette stratégie doit permettre à terme de doubler la capacité de production de la marque. La filiale de LVMH entend ainsi alimenter les « dix prochaines années de croissance », assure-t-on au sein de l’équipe de direction.

Au passage, Bulgari poursuivra son offensive « prix » pour des bagues et pendentifs vendus à partir de 900 euros. Ce tarif, jugé plus accessible, doit permettre de passer au travers des turbulences du marché. En 2016, selon l’association italienne des entreprises du luxe Altagamma, le marché mondial de la joaillerie n’a progressé que de 2 %.