Marine Le Pen, à Metz, samedi 18 mars. | JEAN CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

François Fillon et Marine Le Pen partagent une obsession commune, celle d’être à nouveau audibles sur le fond de leurs projets, dans un contexte où les affaires enserrent leurs campagnes. En meeting à Metz, samedi 18 mars, la candidate du Front national à l’élection présidentielle s’y est employée en rebondissant sur l’actualité la plus récente.

Quelques heures avant le début du meeting, un homme, connu des services de police pour des affaires de droit commun, a été abattu à l’aéroport d’Orly, près de Paris, après avoir tenté de s’emparer de l’arme d’un militaire de l’opération « Sentinelle ». La veille, un autre, qui fait l’objet d’une fiche S de la part du renseignement, a égorgé son père et son frère dans une cour d’immeuble parisienne.

De quoi donner l’occasion à Mme Le Pen de dénoncer un gouvernement « dépassé », « ahuri » et « tétanisé », sur les questions sécuritaires.

« Délinquance », « terrorisme » : « je suis la seule à oser aborder ces questions qui fâchent », a assuré la présidente du FN devant près de 2 500 personnes. « Avec Marine, ce seront nos policiers brûlés vifs dans leurs véhicules qui seront visités dans leurs chambres d’hôpital », a lancé de son côté Florian Philippot, vice-président du FN, qui introduisait le meeting. Une référence à la visite rendue par François Hollande à Théo L., victime d’un viol présumé lors d’une interpellation policière à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), début février.

La frontière « ça limite le passage de ce qui est mauvais »

De ce sujet de la sécurité, la députée européenne a tiré un fil vers la question du « fondamentalisme islamiste », dont elle assure être la seule à parler. « La République est laïque, la République est indivisible. Les gouvernements successifs ont tant et tant reculé sur ces sujets », a-t-elle assené, jurant d’en finir avec « une immigration incontrôlée » et « un communautarisme conquérant », qui charrie selon elle un « cortège de menaces sur notre identité ».

« Vous souhaitez que la France reste la France, ou qu’elle le redevienne », a-t-elle lancé à la foule. De quoi ravir les sympathisants présents, parmi lesquels partaient des cris : « pas d’islam ! » ; « la France aux Français ! » ; « dehors la burqa ! » ; « fermeture ! fermeture ! ».

Cette dernière injonction n’est pas reprise au mot près par la candidate. « Je ne veux pas fermer les frontières », mais « simplement en avoir et les contrôler », explique-t-elle. « La frontière n’est pas un mur, c’est un filtre. Ça limite le passage de ce qui est mauvais, ça laisse passer ce qui est bon », dit-elle.

Franchir la haie des affaires et des polémiques

Côté frontiste, on compte beaucoup sur le débat de lundi, qui sera organisé sur TF1, avec la présence deJean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron et François Fillon, pour ouvrir une nouvelle séquence. Le rendez-vous est qualifié alternativement d’« important », « essentiel » voire « décisif » par différents dirigeants de la campagne de Mme Le Pen. « La présidentielle, c’est un rite initiatique, il faut passer les épreuves », explique l’un d’entre eux.

L’épreuve la plus brûlante reste encore de franchir la haie des affaires et des polémiques qui s’accumulent depuis plusieurs semaines. Le conseiller régional de PACA Benoît Loeuillet a été suspendu du FN, mercredi, pour avoir tenu des propos négationnistes dans un documentaire de la chaîne C8. De quoi brouiller la stratégie de dédiabolisation du parti, qui assure pourtant avoir fait le ménage dans ses rangs.

L’affaire de l’emploi présumé fictif d’assistants au Parlement européen continue, de plus, à occuper l’actualité. Selon le député européen (ex-FN) Aymeric Chauprade, qui a accordé une interview à l’Express, jeudi, la présidente du FN aurait demandé, en 2014, à la vingtaine d’eurodéputés que compte son parti de « donner une délégation pour embaucher des assistants qui, clairement, serviront directement au parti ».

« Tout le monde comprend, quand on a un minimum de culture générale, que l’on est dans une logique d’emplois fictifs, même si ce n’est pas dit explicitement », ajoute celui qui a quitté le FN à la suite de son implication dans l’exfiltration de République Dominicaine de deux pilotes français poursuivis dans l’affaire Air cocaïne.

« La diabolisation n’imprime pas »

La présence dans l’entourage de la présidente du FN de personnalités comme Frédéric Chatillon et Axel Loustau, hommes clés de la machinerie frontiste dans cette campagne, et accusés d’entretenir des sympathies pour le régime nazi, pèse aussi côté frontiste. Et le traitement médiatique du sujet – Envoyé spécial a diffusé un documentaire sur les deux hommes, jeudi soir, sur France 2 – fait réagir de manière épidermique les dirigeants du parti d’extrême droite.

« Ça devient tellement outrancier que ça va finir par nous servir. Les journalistes sont la profession la plus détestée de France. La diabolisation n’imprime pas », veut croire un responsable de la campagne mariniste.

« J’emmerde Adolf Hitler et le troisième Reich ! Mais j’emmerde autant ces « journalistes » qui se permettent de raconter n’importe quoi sur mon compte », a réagi de son côté Frédéric Chatillon sur Facebook, fustigeant un « boulot de cafard ».

En début d’année, Mme Le Pen jurait respecter « la liberté de la presse », sans laquelle il n’y aurait « pas de liberté d’opinion, pas de liberté d’expression, en un mot : pas de démocratie ». Une affirmation qui n’est visiblement pas partagée par tout le monde dans son camp.