Martin Schulz, ex-président du Parlement européen, a été élu président du SPD avec 100 % des voix. Jusque-là, le chef du SPD le mieux élu était Kurt Schumacher, qui avait obtenu, en 1948, 99,71 % des suffrages. | TOBIAS SCHWARZ / AFP

« Je veux être le prochain chancelier de la République fédérale d’Allemagne. » Il y a encore deux mois, le dirigeant du Parti social-démocrate (SPD) qui aurait prononcé une telle phrase aurait été pris pour un illuminé. Dimanche 19 mars, c’est par ces mots que Martin Schulz a conclu le long discours – près d’une heure et quart – qui a clôturé le congrès du parti, organisé dans un vaste hangar de Berlin. Et, à en croire la standing ovation que lui ont réservée ses supporters, ragaillardis par les derniers sondages, ce qui paraissait hier un objectif inatteignable, semble aujourd’hui à portée de main.

A six mois des élections législatives du 24 septembre, M. Schulz n’a certes pas encore détrôné Angela Merkel. Mais, pour la première fois depuis que celle-ci a succédé à Gerhard Schröder, en 2005, la perspective de voir le candidat du SPD ravir le poste de chancelier à la présidente de l’Union chrétienne démocrate (CDU) apparaît comme une hypothèse sérieuse.

Six mois avant les législatives de 2009, la CDU devançait le SPD de 8 points. Six mois avant celles de 2013, l’écart était de 13 points. Aujourd’hui, les deux partis sont au coude-à-coude : dans le dernier sondage de l’institut Emnid, publiée samedi 18 mars, la CDU est créditée de 33 % des intentions de vote, seulement un point de plus que le SPD. En janvier, l’avantage était de près de 15 points en faveur des conservateurs…

Politiquement sans enjeu, symboliquement important

Pour le SPD, le congrès de dimanche était politiquement sans enjeu mais symboliquement important. Sans enjeu car chacun en connaissait l’issue par avance : l’élection de M. Schulz à la tête du parti et son intronisation officielle comme candidat à la chancellerie. De ce point de vue, le congrès aura été une pure formalité puisque l’ex-président du Parlement européen a été élu président du SPD avec… 100 % des voix. Jusque-là, le chef du SPD le mieux élu était Kurt Schumacher, qui avait obtenu, en 1948, 99,71 % des suffrages.

Attendu, le sacre de M. Schulz n’en reste pas moins un événement fort d’un point de vue symbolique. Mi-janvier, le désormais ex-président du parti, Sigmar Gabriel, alors ministre de l’économie, avait annoncé, à la surprise générale, qu’il renonçait à briguer le poste de chancelier au profit de M. Schulz.

La nouvelle avait été accueillie par les sociaux-démocrates avec un mélange de soulagement et de curiosité. D’un côté, la plupart avaient estimé qu’il s’agissait là d’une sage décision : peu populaire, M. Gabriel semblait incapable de pouvoir conduire le SPD à la victoire. Mais son retrait en faveur de M. Schulz était aussi considéré par beaucoup comme un pari : peu connu du grand public, jamais élu au Bundestag et jamais ministre, ce dernier, après plus de vingt années passées au Parlement européen dont cinq à la tête de l’institution, était-il vraiment un choix judicieux ?

Accueil triomphal

Deux mois plus tard, l’accueil triomphal réservé à M. Schulz lors du congrès de Berlin, qui fait écho au succès rencontré par les quelques réunions publiques qu’il a tenues dans différentes villes d’Allemagne au cours des dernières semaines, est venu conforter le choix de M. Gabriel.

Visiblement très ému de laisser la main après huit années passées à la tête d’un parti qu’il aura lui-même été incapable de porter à la victoire, M. Gabriel a juré qu’il n’y avait chez lui aucune « mélancolie », et, à la tribune, il n’a pas lésiné sur les superlatifs pour adouber son successeur.

« Tu personnifies, par ta vie même, ce qu’est la social-démocratie. Tu n’est pas seulement très intelligent, tu as un cœur gros comme ça et c’est pour cette raison que tu seras un excellent chef du SPD », s’est enflammé le vice-chancelier de Mme Merkel. Avant de se laisser griser à l’idée de voir « Emmanuel Macron président et Martin Schulz chancelier ». Au risque de mettre en cause le lien historique entre le SPD allemand et le PS français, le jour même du grand meeting de Benoît Hamon à Bercy…

« Pas d’“Europe-bashing” »

Dans son discours, jalonné de références à ses origines modestes, M. Schulz, lui, n’a rien dit de nouveau par rapport à ce qu’il répète depuis quelques semaines. Au cœur de son message, les mots « justice », « respect » et « dignité ». L’idée, également, qui n’a rien de surprenant de la part d’un social-démocrate, que l’Allemagne doit en faire beaucoup plus en matière d’« investissements ». Du point de vue de la politique économique, c’est là ce qui le distingue le plus des conservateurs qui, a-t-il ironisé, « nous assènent toujours la vieille antienne des baisses d’impôts ».

Comme lors de ses précédentes prises de parole, M. Schulz a insisté, dimanche, sur son attachement à l’idéal européen. « Avec moi, il n’y aura pas d’“Europe-bashing” », a-t-il promis, avant de s’en prendre aux « populistes » qui attisent le « nationalisme » et dénoncent à tout bout de champ la « presse mensongère ».

Un message autant destiné aux présidents turc et américain, Recep Tayipp Erdogan et Donald Trump, nommément cités dans son discours, qu’au Front national français et au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) : « L’AfD, ce n’est pas une “alternative pour l’Allemagne” », c’est une honte pour la République fédérale », a-t-il assuré.

Quelle que soit l’issue de la campagne pour les élections législatives, ce 19 mars restera dans l’histoire des sociaux-démocrates allemands une date importante. L’intronisation de leur prochain candidat à la chancellerie coïncide avec la prise de fonction de l’un des leurs, Frank-Walter Steinmeier, à la présidence de la République. Élu le 12 février, l’ancien ministre des affaires étrangères - auquel a succédé Sigmar Gabriel à la tête de la diplomatie allemande, succède au pasteur protestant Joachim Gauck.