A Baselworld, il y a ceux qui sont là, et les autres. Le plus grand salon horloger mondial, qui ouvre ses portes à Bâle jeudi 23 mars, est une vitrine internationale pour la montre bas, milieu et haut de gamme. On y fait la démonstration de ses produits et, plus que jamais, de sa solidité. En ces temps de crise, le plan du salon est scruté comme un bulletin de santé des marques. Les plus grandes sont toujours là, inamovibles sur leurs prestigieux stands, assez fortes pour traverser les tempêtes. Les plus petites font face à un dilemme : faut-il continuer d’exposer dans un salon coûteux qui monopolise les équipes pendant une semaine (et plus du double en amont et en aval) ou économiser ?

Des marques ont décidé de redevenir douces à l’œil comme au portefeuille.

C’est ainsi qu’on compte les absents et ceux qui déménagent. Certains comme Ulysse Nardin, Girard-Perregaux ont migré vers le SIHH, l’autre salon annuel, qui se tient à Genève en janvier. D’autres sont présents dans les deux villes mais sont sortis du périmètre de Baselworld pour s’établir à quelques mètres, dans des hôtels, comme les marques-boutique HYT ou Urwerk. Les derniers comme Boucheron, Vulcain ou plusieurs acteurs de très petite taille comme DeWitt et De Bethune font l’impasse sur ce grand raout, qui rassemble pourtant tout ce qui se fait de journalistes et de détaillants dans la profession.

Ce baromètre-là est l’un des rares à disposition, avec les résultats des quelques groupes cotés, et les chiffres d’exportation de la Fédération horlogère suisse, seul organisme de branche à publier des données. La dernière statistique publiée, pour le mois de janvier 2017, fait état d’une baisse de 6 % par rapport à janvier 2016, un des chiffres les plus cléments de ces douze derniers mois.

Dive de Gucci. | Gucci

Dans ce contexte, les stratégies gagnantes sont rares. Elles s’articulent autour de quatre axes. Le premier est le plaisir simple de proposer une montre gaie, amusante, différente. Il faut regarder du coté de chez Gucci pour trouver une expression à la fois qualitative, actuelle et, surtout, avec le vent en poupe. La griffe italienne est en plein essor grâce à la direction artistique d’Alessandro Michele. Sous son impulsion, Gucci hybride ses grands familles de montres avec ses signatures créatives, historiques ou vues dans ses collections de prêt-à-porter. Des cadrans brodés d’abeilles, de tigres ou de serpents prennent place dans des montres de plongée ou habillées. Abordables, colorées, amusantes, elles expriment le côté accessoire de mode de la montre.

Presage SPB045 de Seiko. | Seiko

L’autre aspect est celui du rapport qualité-prix. La montre mécanique a privilégié une montée en gamme systématique depuis dix ans, à l’exception de quelques marques qui n’ont cessé d’être, ou qui ont décidé de redevenir douces à l’œil comme au portefeuille. Le japonais Seiko propose une extension de sa gamme Presage, entièrement équipée de mouvements automatiques et arborant des cadrans en émail grand feu blanc, connus pour leur fragilité et leur éclat. La version trois aiguilles et réserve de marche est placée à 1 300 €, ce qui est moins que ce que des marques suisses proposent comme supplément pour un cadran émail. Quoique plus haut dans l’échelle des prix, TAG Heuer poursuit sa politique de retenue tarifaire. Son modèle Carrera Heuer 01 passe de 45 à 43 mm, un diamètre plus facile à porter et plus universel. Sous la barre des 5 000 €, elle affiche un look technique, sportif et affûté qui paraît en valoir le double.

L.U.C Lunar One de Chopard | Chopard

Face à l’adversité, il en est qui ne dévie pas, parce que la voie qu’ils ont tracée est validée par les résultats. Ainsi, la manufacture L.U.C de Chopard, sa division haut de gamme, fête ses vingt ans. La société familiale annonce, sans les chiffrer, des résultats plats et zéro licenciements, ce qui contraste avec l’actualité du secteur. Elle continue à offrir des montres de haute horlogerie, produites en quantités restreintes, à un haut niveau de finition et d’aboutissement technique et de facture classique. Ainsi de la L.U.C Lunar One, proposée en platine et cadran bleu, modèle de raffinement.

Octo Roma | Bulgari

Dernière manière de sortir son épingle du jeu, en horlogerie comme ailleurs, un registre esthétique à part fait la différence. Dans une offre assez uniforme, Bulgari tranche avec un design qui n’appartient qu’à lui. Forte de son succès, la gamme Octo s’enrichit d’une nouvelle variante, l’Octo Roma. Fusion du design anguleux et facetté de l’Octo et de la rondeur de son modèle Roma, cette nouveauté se distingue par sa lunette circulaire posée sur une boîte octogonale aux coins légèrement saillants et doux.

Les marques qui appliquent une vraie rupture de stratégie face aux difficultés restent rares. Cette édition de Baselworld sera-t-elle celle du rebond ? De la fin de la spirale baissière ? Ou plutôt d’une sélection naturelle ? Dans ce secteur caractérisé par une multitude de marques qui refusent d’unir leurs forces, la dernière option est la plus vraisemblable. Un indicateur informel mais fiable est de mauvais augure : il est redevenu possible de trouver une chambre d’hôtel à Bâle pendant le salon. Du jamais-vu depuis dix ans.