Le cercle de la Kaaba, au centre de la grande mosquée de La Mecque, en septembre 2016. Les pèlerins iraniens n’avaient pas été autorisés participer au hadj cette année-là, pour la première fois depuis 1990. | Nariman El-Mofty / AP

Rare signe de détente entre les deux puissances rivales du Proche-Orient : après plus d’un an de crise ouverte, Riyad et Téhéran ont trouvé un accord pour que les fidèles iraniens participent de nouveau au hadj, le grand pèlerinage annuel de La Mecque, en Arabie saoudite, à la fin août 2017. L’agence iranienne Irna a annoncé, vendredi 17 mars, que 85 000 Iraniens pourraient s’y rendre.

Les autorités iraniennes chargées du hadj n’avaient pu organiser le départ de quelque 60 000 pèlerins en 2016, pour la première fois depuis 1990. L’Iran chiite dénonçait alors la responsabilité du royaume sunnite saoudien dans une bousculade survenue durant le hadj l’année précédente, qui avait fait au moins 2 426 morts, selon un décompte de l’agence Associated Press. Parmi ces victimes, les Iraniens étaient les plus nombreux : au moins 464 morts. Riyad avait annoncé un premier bilan officiel de 769 morts, qui n’a jamais été mis à jour depuis. Le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, avait, à l’époque, appelé les musulmans à contester la gestion des lieux saints par le royaume. Ce dernier n’a pas publié, depuis, les conclusions détaillées d’une enquête ordonnée après l’accident.

En janvier 2016, Riyad a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran et interrompu les liaisons aériennes entre les deux pays, après l’attaque de son ambassade à Téhéran par des manifestants. Ceux-ci protestaient contre l’exécution d’un religieux chiite saoudien critique du pouvoir, Nimr Baqer Al-Nimr. En l’absence d’un guichet consulaire à Téhéran, les pèlerins iraniens se verront attribuer des visas électroniques. L’Iran s’est dit satisfait d’arrangements permettant d’assurer des services médicaux à ses pèlerins.

Défiance commune

Cette détente relative intervient alors que le gouvernement iranien a mené plusieurs visites diplomatiques dans le Golfe depuis la fin janvier, après la remise d’une lettre à Téhéran par le ministre des affaires étrangères du Koweït. Celle-ci proposait les « bases d’un dialogue » visant à réduire les tensions dans la région, notamment avec Riyad. Le président iranien, Hassan Rohani, s’est rendu à Oman et au Koweït en février. Son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, s’est rendu au Qatar le 8 mars. Le 13 mars, M. Rohani a adressé une lettre à l’émir du Koweït, dont le contenu n’a pas été rendu public.

A deux mois de l’élection présidentielle iranienne, le gouvernement Rohani maintient cependant un discours dur vis-à-vis de Riyad. Dans une interview diffusée le 16 mars par la chaîne libanaise Al-Mayadeen, M. Zarif a engagé le royaume à « coopérer avec l’Iran plutôt que d’approcher d’autres Etats pour [lui] nuire ». Téhéran craint le rapprochement engagé par les pays du Golfe et la nouvelle administration américaine de Donald Trump, qui se fonde notamment sur une défiance commune vis-à-vis des ambitions hégémoniques iraniennes.

Mardi, après une visite du vice-prince héritier saoudien et homme fort du royaume, Mohammed Ben Salman, à Washington, la Maison Blanche avait réaffirmé la volonté des deux pays de « faire face aux activités déstabilisatrices de l’Iran dans la région ».

Depuis deux ans, Téhéran a également suspendu le petit pèlerinage (omra), qui se tient hors de la saison du hadj, à la suite de l’agression sexuelle présumée de deux pèlerins par des policiers saoudiens à l’aéroport de Djedda. Le représentant du Guide suprême pour le hadj, Ali Ghazi Askar, a indiqué que cette suspention serait levée si les policiers étaient punis. L’Iran avait auparavant dit ignorer s’ils avaient été condamnés.