Préparation du plateau de TF1 qui accueillera le débat entre les principaux candidats à la présidentielle 2017 lundi 20 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Ils seront cinq sur le plateau de TF1 aux allures de ring, lundi 20 mars à 21 heures. Les cinq candidats présumés favoris de l’élection présidentielle, selon les sondages  : François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

Et de ces cinq-là, disposés en cercle, Emmanuel Macron sera le plus attendu au tournant. En raison de son inexpérience dans ce type d’exercice, et parce qu’il est celui qui a le plus à y perdre, sa prestation sera observée à la loupe. Pour préserver son statut de possible adversaire de Marine Le Pen – une configuration de second tour accréditée, à ce stade, par des sondages qui génèrent mécaniquement une tentation de « vote utile » en sa faveur –, le leader d’En marche ! devra éviter tout impair. Et ce, dans un environnement autrement plus hostile qu’une salle de meeting.

Dans l’entourage du candidat, on cherche à dédramatiser l’enjeu. Le candidat, dit-on, a bien demandé à ses proches et à certains élus des fiches sur chacun des thèmes abordés. Mais aucune répétition en situation réelle ne devrait être organisée. « Je n’ai jamais fait de média training, je déteste ça », assure M. Macron. « On ne veut pas scénariser le débat, pour le laisser libre et capable de réagir, explique un proche de l’ancien haut fonctionnaire. Ce qu’on travaille surtout, c’est sa capacité à synthétiser, car ce n’est pas son point fort. Il doit être capable de ramasser sa position sur un sujet en une minute trente. »

« Garder de la fraîcheur »

L’ancien ministre, qui s’attend à être pris pour cible, veut éviter de se laisser emporter dans des polémiques. « Le temps de parole sera limité, il ne faut pas le gaspiller à répondre à des attaques, assure son entourage. L’idée, c’est de rester sur le projet. » Comme s’il s’agissait d’un combat physique, son agenda a été allégé, afin de lui permettre de se reposer et de « garder de la fraîcheur ».

Marine Le Pen, elle, affûte ses armes, notamment face à celui qui paraît le mieux placé pour l’affronter dans un éventuel second tour. « Beaucoup de gens vont être devant la télévision et se faire une opinion. La politique, c’est de la publicité comparative », indique Philippe Olivier, un des principaux dirigeants de la campagne de Mme Le Pen. Comme d’autres, il constate que M. Macron sera « la grande inconnue » de ce rendez-vous : « Il sera au centre ou sera écrabouillé. Il va peut-être se révéler comme un super télévangéliste, mais les Français aiment la politique. Je ne lui vois pas de ligne directrice », affirme le beau-frère de la candidate frontiste.

Fillon plus « audible »

La présidente du FN, qui était en meeting à Metz, samedi, n’a pas organisé de répétition du débat avec ses proches, mais a simplement travaillé des angles d’attaque. Objectif : défendre son projet, rendu en partie inaudible par l’accumulation des affaires et polémiques qui la visent elle, ainsi que son parti.

Un défi similaire attend François Fillon. Le candidat de la droite est parti dans la Sarthe, vendredi 17 mars, emportant des fiches sur le programme de ses adversaires et les sujets sur lesquels il peut être attaqué. Il est revenu dimanche à Paris pour des réunions de préparation. Depuis le 25 janvier et le premier article du Canard enchaîné sur le soupçon d’emploi fictif de son épouse, l’ancien premier ministre n’est plus « audible » sur autre chose que les affaires le concernant.

Cette joute sur TF1, tout comme « L’Emission politique » de France 2 dont il est l’invité le 23 mars, lui permettront-elles de tourner la page ? Son entourage estime qu’il avait fait la différence avec Alain Juppé et Nicolas Sarkozy précisément lors des débats télévisés organisés pendant la primaire de la droite et du centre. Mais le contexte a radicalement changé. Comme il le fait dans ses meetings, le candidat du parti Les Républicains devrait, si nécessaire, se positionner en victime d’un « système » qui instrumentaliserait la justice. S’il dispose de marges de manœuvre, sa cible principale devrait être M. Macron : il veut attaquer les « ambiguïtés de son programme », indique un proche.

L’expérience des primaires

Benoît Hamon compte, lui aussi, sur son expérience acquise durant les débats organisés pendant la primaire à gauche, où il était apparu à l’aise et plutôt convaincant, pour redresser une situation mal engagée. « C’est maintenant que la campagne commence ! », espère un proche du candidat. Même s’il mime la décontraction – « dans cette présidentielle, chaque semaine est un tournant », dit-il –, M. Hamon sait qu’il joue gros, lundi soir. Dimanche, il a réussi son grand meeting à Bercy, devant plus de 20 000 personnes. Sur TF1, lundi, le député des Yvelines entend insister sur son projet, qui le différencie nettement, selon lui, de ceux de ses adversaires qui le devancent dans les sondages.

« Avec les débats, les Français vont enfin pouvoir commencer à comparer de visu les candidats, et il n’y a pas photo entre les quinquennats possibles de Le Pen, Fillon, Macron et Hamon », soutient le député Jean-Marc Germain, codirecteur de la campagne. Officiellement, il n’est pas question d’attaquer frontalement ses rivaux, à commencer par M. Macron. Mais le candidat devrait néanmoins souligner, comme il le fait depuis plusieurs jours, la présidentielle « polluée par l’argent », une manière de mêler à la fois les affaires judiciaires de M. Fillon et la campagne de M. Macron qui serait, selon lui, sous « l’influence des forces de l’argent ».

Egalement à la peine dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon arrive lui aussi sur le plateau de TF1 auréolé d’un défi remporté, ce week-end : la marche qu’il a organisée samedi à Paris, de Bastille à République, a rassemblé des milliers de personnes. Une fois son discours achevé, samedi, il devait se préparer dans les conditions du débat, chronomètre en main. Sa directrice de communication, Sophia Chikirou, déplore les modalités retenues par TF1 : « Ce n’est pas un débat mais une succession de prises de parole. C’est du spectacle, même la mise en scène, un ring, renvoie à ça. »

Elle craint également que la liste des thèmes retenus ne desserve son candidat. « Ce sont déjà des choix éditoriaux, s’agace-t-elle. On a essayé de négocier mais on a été peu audibles. On a quand même réussi à imposer l’écologie. On est les seuls à l’avoir demandé. » M. Mélenchon souhaiterait ramener le débat sur le fond. « Il y a un rejet de la politique politicienne mais le nombre de personnes qui ont regardé les débats des primaires le montre, il y a une aspiration aux projets, assure Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche. Il faut parler aux 44,6 millions d’électeurs qui n’ont pas encore fait leur choix et qui ne vont pas se déterminer sur des controverses. Il faut veiller à ce que nos idées soient exposées et entendues. »