Un employé sur le chantier du réacteur pressurisé européen (EPR) à Flamanville (Manche), le 16 novembre 2016. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Dans l’affaire des travailleurs européens irrégulièrement détachés sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche), la justice a légèrement alourdi, lundi 20 mars, en appel l’amende infligée à Bouygues TP, filiale de travaux publics du géant français de la construction.

Bouygues TP devra payer 29 950 euros d’amende. C’est un peu plus que ce à quoi elle avait été condamnée en juillet 2015 par le tribunal correctionnel de Cherbourg (25 000 euros). Mais cela ne lui interdit pas l’accès au marché public, car c’est inférieur à 30 000 euros, a précisé lundi le président de la cour d’appel de Caen, Henri Ody. Cette peine est également nettement inférieure à celle requise par le parquet général en novembre lors de l’audience en appel (50 000 euros).

Bouygues TP n’a pas encore décidé si elle saisirait la Cour de cassation, selon un de ses avocats.

Dans cette affaire, la cour d’appel a également confirmé la condamnation de la société roumaine Elco et de l’entreprise nantaise Welbond. Maître d’œuvre de ce chantier qui cumule déboires et retards, EDF n’était pas poursuivi.

« Un plan de fiction juridique »

« Une entreprise initialement basée en Irlande, agissant par l’intermédiaire d’une succursale chypriote, pour recruter des Polonais qui n’ont jamais mis les pieds à Chypre et signent des contrats en grec auxquels ils ne comprennent rien (…) : ne peut-on humer un plan de fiction juridique ? », avait lancé lors de l’audience en appel l’avocat général Marc Faury, estimant que Bouygues TP ne pouvait ignorer les irrégularités de son sous-traitant irlando-chypriote Atlanco sur ce chantier.

Pour la cour, Bouygues TP est bien coupable d’avoir eu recours entre 2009 et 2011, sur le chantier de l’EPR, aux services d’Atlanco, condamnée en première instance pour le travail dissimulé de 163 salariés polonais.

Cette entreprise un peu fantôme qui a déposé son bilan depuis les faits n’était visée que sur le plan civil en appel. Atlanco n’avait pas déclaré ces salariés aux organismes sociaux, a rappelé lundi M. Ody. « Les conditions du détachement n’étaient pas remplies. Bouygues ne peut prétendre ignorer la législation », a estimé lundi le magistrat.

Sous-déclarations d’accidents du travail, « détachés » maintenus quatre ans et demi sur le chantier au lieu des deux ans maximum légalement, MM. Faury et Ody avaient pointé de nombreuses zones d’ombres sociales du « plus grand chantier d’Europe », lors de l’audience.

Amende augmentée pour Elco, Quille relaxé

Mais, contrairement au tribunal de Cherbourg et au parquet général de Caen, la cour a estimé que Bouygues TP, comme Quille, autre filiale de Bouygues Construction, ne sont pas coupables de recours à la société roumaine Elco, condamnée à Cherbourg pour le travail dissimulé de 297 salariés sur le chantier de l’EPR.

Pour la cour, Elco est bien coupable de travail dissimulé. Son amende est augmentée à 60 000 euros, contre 40 000 en première instance.

Condamnée à 5 000 euros d’amende à Cherbourg, Quille est par conséquent, désormais, relaxée. La cour a par ailleurs confirmé la condamnation de la société nantaise Welbond à 15 000 euros d’amende pour le recours aux services irréguliers d’Atlanco.

Le manque à gagner pour l’Urssaf, qui ne s’est toutefois pas portée partie civile, est de 10 à 12 millions d’euros.