Martin Orliac a repris, avec ses trois frères et sœur, l’exploitation viticole de ses parents. L’une des plus vieilles et des plus importantes du pic Saint-Loup, dans l’Hérault. Les vignes y sont cultivées en conventionnel et la famille n’envisage pas de se convertir au bio. « Nous reprochons à l’agriculture biologique de tenir un discours qui joue sur des ressorts idéologiques, qui raconte une histoire au lieu de se confronter aux réels problèmes que posent notre agriculture et plus largement notre société », explique Martin Orliac, le plus jeune de la fratrie.

Selon lui, l’agriculture biologique valorise en théorie « des choses très positives » comme « la vie du sol, la non-pollution, la protection de la santé des agriculteurs » qui doivent être « des objectifs à atteindre ». Mais, en pratique, les techniques du bio ne permettent pas de répondre à toutes ces préoccupations. Tout d’abord parce que « le bio est focalisé presque uniquement sur les pesticides, oubliant tout le reste, à commencer par les émissions polluantes des tracteurs des agriculteurs ».

Deuxième limite pointée par M. Orliac, « l’agriculture bio s’est construite, à juste titre, en réaction à l’usage intensif de produits chimiques, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». La chimie reste, selon lui, un « outil utile », à condition d’être exploitée correctement :

« Il est ridicule de dénoncer la chimie comme étant intrinsèquement mauvaise, il faut plutôt en dénoncer les usages. »

Martin Orliac, tient à rappeler que « malgré ce que beaucoup de consommateurs imaginent, le bio n’est pas synonyme de non-traitement. Tout le monde traite. En bio, le traitement des vignes va être principalement la pulvérisation de sulfate de cuivre. Un produit toxique utilisé depuis plus de cent ans... » Or, lui refuse le « retour en arrière ». « Nous croyons en la science et en le progrès », assène-t-il avant de préciser qu’il y a « toute une série de produits qui sont des poisons absolus et que l’on s’interdit d’utiliser. Simplement, le fait qu’ils soient issus de la pétrochimie n’est pas un critère en soi. » (Un rapport réalisé en décembre 2016 par le Parlement européen sur les implications pour la santé humaine de l’agriculture et l’alimentation biologiques indique que « la plupart des pesticides autorisés pour l’agriculture biologique ont une toxicité plus faible pour les consommateurs ».)

« Uniformisation des pratiques »

Martin Orliac déplore également que l’agriculture biologique partage « un des grands défauts de l’agriculture productiviste » : l’uniformisation des pratiques agricoles sans tenir compte des spécificités de chaque territoire – la composition du sol, le climat, la culture qui a précédé la vigne à cet endroit, etc. « Une agriculture réellement écologique passe par des pratiques agricoles adaptées aux écosystèmes locaux et à la plus petite échelle possible de territoire, estime-t-il. La viticulture que l’on pratique en Languedoc est très différente de celle pratiquée en Bourgogne ou dans la Loire. »

« Le discours que l’on tient n’est pas évident dans le contexte actuel », constate M. Orliac. Mais il est convaincu des limites de l’agriculture biologique et anticipe aussi un « retour de bâton » de la part des consommateurs. Quand il était étudiant, il a été marqué par la crise de la vache folle. A ce moment-là, les consommateurs ont pris conscience que « la vache que l’on voit pâturer dans des prés verdoyants avec de jolies pâquerettes sur les emballages des supermarchés pouvait être nourrie aux farines animales. Avec cet épisode, on a vu que les errements d’une partie d’une profession, même minoritaire, pouvaient faire basculer l’ensemble d’une filière dans une crise de confiance, se rappelle-t-il. Et les secousses se font ressentir encore aujourd’hui. »