JOHANNES EISELE / AFP

Les aperçus de la société légèrement dystopique que nous préparent les objets connectés (comme des frigos connectés qui font tomber des réseaux) sont un peu partout, y compris jusque dans les toilettes. Les responsables du Temple du Ciel, un des principaux sites touristiques pour Chinois et étrangers à Pékin, utilisent des machines intelligentes pour régler un problème récurrent dans la mégalopole : l’utilisation abusive de papier-toilette dans les WC publics.

En Chine, beaucoup de toilettes publiques ne disposent traditionnellement pas de papier-toilette ; on doit y apporter le sien. Certains lieux touristiques ou à affluence étrangère ont dû se mettre à niveau avec des distributeurs en libre service. Souvent, comme au Temple du Ciel, ces distributeurs sont pillés par des individus qui repartent les poches pleines.

Pour mettre fin à cet abus, six nouveaux distributeurs automatiques ont été installés, relatent des médias locaux. Contrairement, par exemple, aux appareils automatiques du parc Taoranting, qui réduisent mais n’éliminent pas les abus, ceux du Temple du Ciel, plus drastiques, fonctionnent en utilisant la reconnaissance faciale.

Neuf minutes pour reprendre du papier

Pour obtenir soixante à soixante-dix centimètres de papier-toilette, le visiteur, pressé ou pas, doit passer son visage devant un scanner. Et le distributeur ne donnera pas plus de papier à cette personne avant neuf minutes. « Nous avons réfléchi à plusieurs options : empreintes digitales, scanner infrarouge ou reconnaissance faciale. Nous avons choisi la dernière option pour des raisons hygiéniques », explique au New York Times, Lei Zhenshan, un cadre de la compagnie qui a fabriqué la machine.

Le correspondant local de la BBC a voulu tester le système. Mais il n’a trouvé que des distributeurs ordinaires. Les responsables du parc lui ont précisé que les distributeurs à reconnaissance faciale n’étaient activés qu’en périodes de grande affluence.

Point objectivement positif de ce développement technologique : moins de papier-toilette utilisé.

C’est, après tout, le but de cette opération. D’un point de vue écologique, on ne peut que se réjouir d’une consommation moins frénétique de papier-toilette. Après un demi-mois, la direction du Temple du Ciel assure que sa consommation a déjà baissé de 20 %.

La reconnaissance faciale pour limiter l’utilisation de papier-toilette s’inscrit dans le cadre de plusieurs politiques : celle de la ville de Pékin, pour « utiliser le papier de manière plus responsable », et dans celle, plus large, appelée « révolution des WC ». Le gouvernement a prévu, en 2015, d’accorder presque deux milliards de dollars à la construction, rénovation et modernisation des toilettes publiques du pays. Et si ses appareils à reconnaissance faciale s’avèrent plus efficaces que la seule bonne volonté de chacun, ils pourraient être amenés à se développer.

Point objectivement négatif de ce développement technologique : il faut scanner son visage pour aller aux toilettes.

Certains des défauts de ce système sont apparus rapidement. La presse locale raconte que le temps de scannage de l’appareil est plus proche des trente secondes que des trois secondes, pourtant vantées par la compagnie l’ayant fabriqué, ce qui est assez problématique pour ceux et celles qui arrivent « pressés ». Certains, comme un certain Wang Jianquan, un retraité qui a essayé le système, trouvent également que les bouts de papiers octroyés arbitrairement à chacun sont « trop petits ».

Pour résoudre ces problèmes, le Temple du Ciel a une réponse bien préparée : comme aux caisses automatiques dans les supermarchés, du personnel du parc sera présent près des distributeurs en cas de panne ou, comme l’a précisé un porte-parole sur le site Beijing Wanbao, pour aider des visiteurs « qui ont un besoin de papier-toilette en cas de diarrhée ou de toute autre urgence ».